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Les dessous de notre sécurité

Opération Sentinelle, état d’urgence, réforme du code pénal et de la Constitution : depuis les attentats de janvier 2015, la France ne cesse d’augmenter son arsenal sécuritaire. Pourtant ces mesures d’exception n’ont pas changé la donne pour primo intervenants en cas d’attaque terroriste. Au Bataclan, à Montrouge ou devant Charlie Hebdo, les agents de sécurité privée et de police secours ont été en première ligne des attaques, sans y être préparés. Rien n’a encore changé.

« Face à des commandos avec des armes de guerre, ni la police, ni la gendarmerie ne sont équipées pour une riposte. Il n’y a que les groupes spécifiques (GIGN, Raid, Bac, Brigade d’intervention), formés aux combats urbains, qui peuvent faire face », explique Jean-Marc Jofre, président du Syndicat National des Policiers Municipaux. Pourtant, derrière le 17 (le numéro de police secours) ne se cachent pas des militaires sur-formés. Ce sont des gendarmes, des policiers nationaux ou municipaux qui interviennent en cas d’incidents, qu’il s’agisse d’une infraction au code de la route ou d’une attaque terroriste. Mais si les gendarmes et les policiers d’Etat disposent d’armes semi-automatiques pour se protéger, les policiers municipaux ne sont pas tous armés. Même le climat sécuritaire imposé par l’état d’urgence n’a pas suffi à imposer l’armement de l’ensemble des 20 000 policiers municipaux.

ARMEMENT DE LA POLICE MUNICIPALE

 

Clarissa Jean-Philippe, policière de 25 ans tuée en service à Montrouge le 8 janvier 2015 par Amedy Coulibaly, faisait partie des 18% de policiers municipaux français non armés. « La commune n’a toujours pas fait la demande à l’Etat », s’indigne Jean-Marc Jofre. « Aujourd’hui, le simple fait de porter un uniforme de pompier, de policier ou de gendarme, c’est risquer sa vie ». En témoigne l’attaque d’un commissariat dans le 18ème arrondissement de Paris le 7 janvier 2016. « Depuis l’instauration de l’état d’urgence, rien n’a changé » déplore Jean-Marc Jofre.

« Personne ne peut résister à une attaque terroriste »

Le 13 novembre dernier, quinze agents de sécurité privée ont été blessés, dont six au Bataclan. Certains d’entre eux assurent désormais la sécurité dans les nouveaux locaux de Charlie Hebdo. Mais comme les policiers municipaux, ils ne sont pas préparés aux menaces terroristes. Eux non plus ne portent pas d’armes. Ils sont pourtant au cœur des lieux sensibles. « Face à des terroristes avec des kalachnikovs, ils sont à mains nues », explique Olivier Duran, directeur de communication du Syndicat des entreprises de sécurité privée (Snes). « De toute façon personne ne peut résister à une attaque terroriste, pas plus les officiers publics que nos agents ». Si leur présence a permis de sauver des vies, comme au Bataclan où  « Didi », agent de sécurité, a montré aux spectateurs les issues de secours, les agents n’ont « qu’un rôle de prévention », avertit Olivier Duran.« La lutte anti terroriste est à la charge des services secrets, de la DGSI. C’est un tout autre domaine », lâche-t-il finalement.

D’ailleurs, beaucoup d’agents se sont sentis en danger au lendemain des attaques. « Certains sont venus travailler la boule au ventre », cède Olivier Duran, qui avoue a demi-mot que des employés ne se sentent pas assez formés pour faire face aux nouvelles implications de leurs missions.

Le témoignage d’Alexandra C, agent de sécurité en poste au Stade de France le 13 novembre 2015 :

Pour éviter la trop grande prise de risque, une pétition a été lancée le 19 novembre dans la profession pour que des agents puissent porter une arme. « Ça doit rester tout a fait exceptionnel » prévient Olivier Duran. La loi le permet déjà mais danscertains cas seulement. Le Centre national de sécurité privée (CNAPS) a recommandé d’élargir le champ d’application du port d’arme pour les « agents de de Surveillance Renforcée armés« . « Le cas typique c’est Charlie Hebdo. S’est posée la question de comment protéger le journal : les gendarmes ne peuvent pas assurer cette mission 24 heures sur 24. L’arme se justifie dans ce cas précis ». Au total, seuls 1 500 sur les 150 000 agents de sécurité privée en France devraient être habilité à porter une arme de catégorie B.

« Des 13 novembre il y en aura encore »  

« On met du policier, du bleu, au maximum pour essayer de dissuader. Mais des 13 novembre, il y en aura encore, c’est inévitable », soupire Jean-Marc Jofre. Pour lui, les mesures du gouvernement ne sont que de la poudre aux yeux. « L’Etat d’urgence est une façon politique de dire : on règle le problème, et « oups » on l’a pas vu venir. C’est une façon de rassurer la population mais ça n’a aucun effet », dénonce-t-il.

Jean-Marc Jofre, président du syndicat national de la police municipale

Jean-Marc Jofre. Président du Syndicat National des Policiers Municipaux. ©Haffaf/Gripon

Il faut dire que l’opinion publique semble avoir poussé François Hollande à assumer son tournant sécuritaire. Le 17 novembre,un sondage Ifop pour Le Figaro et RTL révélait que 84% des français étaient prêts à restreindre leurs libertés pour plus de sécurité. Une étude qui reflète l’anxiété de la population, que François Hollande cherche à contenir.

Pourtant, du coté de la police, aucune formation spécifique n’a été mise en place après le 13 novembre. « Un policier a trois dixièmes de secondes pour savoir s’il doit faire usage de son arme. L’Etat a trois mois pour savoir à quelle sauce on sera mangés », s’énerve Jean-Marc Jofre.

A défaut d’améliorer leur formation, l’Etat veut augmenter le nombre d’agents. Le 16 novembre dernier, François Hollande annonçait la création de 5 000 postes de policiers et de gendarmes sur deux ans. Au total, ce sont 10 000 emplois dans le secteur de la sécurité qu’il a promis de créer sur l’ensemble de son quinquennat.

Mais cet objectif sera difficile à atteindre. Déja, il faudrait une réelle volonté politique pour inverser une tendance qui dure depuis 2007 : la baisse constante des effectifs policiers.

Source : Gend XXI

Mais aussi parce les écoles de police et de gendarmerie ne parviennent pas à former suffisamment d’agents pour remplacer les départs. Le graphique ci-dessous a été réalisé à partir des chiffres de l’année 2014. Une année durant laquelle les écoles de forces de l’ordre ont tourné à plein régime.

©Haffaf/Gripon

©Haffaf/Gripon

Quand la sécurité devient un enjeu économique

La sécurité privée peut-elle pallier les faiblesses de l’action publique ? Dans la lutte antiterroriste, pas vraiment. « Ce n’est pas son rôle », rappelle Olivier Duran, du Syndicat des entreprises de sécurité privée. Pourtant, si les entreprises ont investi massivement après les attentats, c’est qu’elles y trouvent leur intérêt. Et il est économique. «  Notre présence fait revenir les consommateurs et ça, ça protège les bénéfices de nos clients », affirme Olivier Duran. De quoi justifier les cinq milliards d’euros de chiffre d’affaire du secteur de la sécurité privée. Grands magasins, salles de concerts, grande distribution : au lendemain des attentats de novembre, tous les lieux accueillant du public avaient le même besoin – rassurer la population. Jamais les agences de sécurité privée n’avaient fait face à une telle hausse de la demande : 30 % d’augmentation, selon le Snes.

Olivier Duran, Directeur de la communication du Snes

Olivier Duran, Directeur de la communication du Snes. ©Haffaf/Gripon

Mais le secteur, qui commence à peine à s’organiser en France, n’a pu répondre à tous ses nouveaux clients. « On est début janvier et les demandes continuent à augmenter. Il y a un an, ça avait diminué trois semaines seulement après les attentats », explique Olivier Duran. Malgré le report des congés, l’augmentation des heures supplémentaires et le passage des mi-temps à temps plein, « il faudra entre 6 et 9 mois pour répondre aux demandes ».

Mais pour les enseignes, il y a urgence. Janvier est la période des soldes et des fêtes d’après Noël, normalement synonymes de pic de consommation. Le secteur l’a bien compris et espère revaloriser la profession, dont les salaires peinent à décoller du Smic. L’objectif du syndicat est de monnayer les nouvelles compétences des agents de sécurité privée. « Dans certaines situations on sera amenés à proposer des agents armés, formés et habilités pour évidemment. Ces agents armés coûteront très cher », annonce Olivier Duran.

Il faut dire que le métier a évolué depuis sa réglementation en 2012. Pour devenir agent de sécurité, il faut avoir validé un certificat de qualification professionnelle. 140 heures de formation avec des modules théoriques et quelques modules pratiques.« Trop peu » pour le moment, déplore Olivier Duran. En plus, chaque prétendant doit avoir une autorisation morale délivrée parle Centre national de sécurité privée (CNAPS), un organisme d’Etat chargé de l’agrément, du contrôle et du conseil des professions de sécurité privées. Si l’Etat intervient de plus en plus dans la règlementation de ce secteur, c’est parce que les agents privés interviennent de concert avec les forces de l’ordre pour les grands événements, comme la COP21 ou encore l’Euro 2016.

Euro 2016 : il y a urgence

C’est le prochain gros enjeu sécuritaire de la France. Le championnat d’Europe de football se déroule du 10 juin au 10 juillet 2016. Trente jours où la sécurité de quelque 2,5 millions de spectateurs doit être maximale.

Un enjeu fondamental pour la sécurité privée comme publique qui doivent répondre en temps et en heure. Dans le privé, on a créé un certificat spécialement pour l’occasion : le Certificat de Qualification Professionnelle (CQP) grands événements. Pour permettre de recruter suffisamment d’agents à temps, seules 70 heures de formation sont nécessaires, et les candidats ne manquent pas : la profession attire de plus en plus de demandeurs d’emploi en quête d’un secteur encore porteur.  A terme, les syndicats et le CNAPS voudraient ajouter un module de formation de trente heures de « sensibilisation au terrorisme ». Pas question toutefois de sortir de la mission de prévention : l’objectif de ce module (dont le contenu est encore flou) est d’aider à la gestion d’une situation de crise. Une formation qui ne sera pas disponible avant l’Euro 2016.

Si les officiers publics ne seront probablement pas plus nombreux d’ici juin 2016, le secteur public mise lui aussi sur le privé. Un quart des agents de sécurité privée répondent en réalité à une demande publique. A terme, le CNAPS souhaite une meilleure coordination entre les différents acteurs, notamment en terme de signalement. Si pour de grands événements comme l’Euro 2016, cette coordination est envisageable, elle est loin de l’être pour les missions quotidiennes.

Solène Gripon et Lila Haffaf

 

 

 

 

source : http://urgence-ifp.fr/2016/01/25/les-dessous-de-notre-securite/

Posted On 03 Mar 2016
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