Docteur en droit – Commissaire divisionnaire honoraire – Ancien secrétaire général du syndicat des commissaires de police

Depuis de nombreuses années, en catimini, l’État dépouille peu à peu le tissu sécuritaire de notre pays. Et ce, en dépit des grands discours et des effets d’annonce, qui suivent chaque attentat ou chaque fait divers un tant soit peu retentissant.

La province a été la première touchée, avec les nombreuses fusions de commissariats qui ont désespéré élus et populations. Et puis il y a eu également le regroupement des brigades de gendarmerie en « communautés de brigades », les 3.500 brigades territoriales que compte le territoire national étant regroupées en 1.000 communautés. Derrière ces manœuvres, simplement destinées à opérer des économies à bon marché sur le dos d’administrations en général assez dociles, se trouvait illustrée la volonté de gouvernements, de droite et de gauche confondus, soucieux d’obtempérer au diktat d’une Union européenne manifestement peu soucieuse de la sécurité intérieure des États.

Pourtant, c’est un nouveau palier qui vient d’être franchi avec l’annonce, pour la rentrée prochaine, d’un projet de mutualisation des services de police en banlieue parisienne. Ainsi, les départements de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et des Hauts-de-Seine devraient voir regrouper leurs services judiciaires et de police-secours, les week-ends et la nuit, du moins dans un premier temps.

L’argumentaire développé par les initiateurs de cette réforme est, bien entendu, toujours le même. Optimisation des moyens humains et matériels, permanence de l’accueil du public, présence visible de jour comme de nuit des forces de l’ordre, bref, à se demander pourquoi cette solution miracle n’a pas été mise en place plus tôt !

La réalité est, cependant, bien différente. D’abord, parce que cette mutualisation, qui aura nécessairement pour conséquence un rallongement des délais d’intervention ainsi qu’une diminution évidente des effectifs de police présents sur le terrain à l’instant t, va concerner trois départements qui figurent au « Top 10 » des départements les plus criminogènes. Ensuite, parce qu’à l’instar de ce qui se passe déjà depuis longtemps en province lorsqu’une communauté de brigades de gendarmerie est d’astreinte à l’autre bout d’un département, les patrouilles de police devront traverser une multitude de communes pour porter aide et assistance à nos concitoyens en difficulté ou agressés, et ce, au préjudice de l’efficacité opérationnelle. Enfin, ce projet qui cache mal le peu d’intérêt que porte ce gouvernement à la sécurité du quotidien des Français, et qui arrive au moment même ou le ministre de l’Intérieur nous vend sa police de proximité façon Macron, illustre parfaitement l’amateurisme destructeur qui le caractérise.

C’est donc à juste titre, en attendant les réactions des élus des départements concernés, que les syndicats de police s’inquiètent d’une réforme bien plus dangereuse qu’il n’y paraît. En effet, si, dans un premier temps, seuls les week-ends et les nuits seraient concernés, il y a fort à parier que des fermetures « sèches » de commissariats suivront. De fait, la nuit étant souvent le moment le plus délicat en termes de sécurité, pourquoi se priver de nouvelles économies une fois que le pli aura été pris. Par ailleurs, quel bon moyen pour pousser les communes à se doter d’une police municipale ou à renforcer celles existantes dès lors que l’État renonce à accomplir une mission qui lui revient pourtant de droit. Nous pensions, au cours de ces dernières années, avoir atteint le fond en termes de sécurité publique. Macron et son gouvernement nous prouvent que l’on peut s’enfoncer un peu plus encore.