Une douzaine de médias japonais avaient fait le déplacement. Massés dans la bibliothèque du palais de justice de Besançon aux côtés de leurs confrères français, ils ont épluché la moindre phrase, le moindre mot prononcé par la procureure de la République, Edwige Roux-Morizot.

Un an après la disparition de Narumi Kurosaki, 21 ans, le mystère demeure douloureusement compact… Où se trouve le corps de l’étudiante japonaise ( notre édition de lundi )  ? Pour la police aucun doute n’est permis, la jeune fille a été assassinée par son ex-petit ami chilien, Nicolas Zepeda-Contreras. Le macabre puzzle est quasiment complet, affirment les enquêteurs ( lire ci-dessous ), mais manque cette pièce centrale, stratégique, à même d’entraver la résolution judiciaire de l’affaire : les restes de la pauvre victime. L’espoir de les localiser s’amenuisait au fil des mois. Jusqu’à ce jeudi.

« Les recherches vont se poursuivre sur un secteur qui n’avait pas encore été exploité, mais qui a été récemment identifié », a annoncé la procureure de la République de Besançon. Il s’agit d’une zone délimitée entre les communes limitrophes de Choisey, Crissey et Gevry, au sud de Dole (Jura). Des battues de grande envergure vont y être très bientôt menées. Accidenté, boisé, traversé de rivières, percé de nombreuses cavités ou trous d’eau, ce site n’est pas idéal, mais les policiers vont jeter leurs ultimes espoirs sur ce champ de bataille.

La téléphonie au secours des enquêteurs

À son arrivée dans la région, très peu de temps avant la disparition de Narumi, le suspect chilien avait loué une voiture dont les enregistrements GPS avaient été ensuite effacés. Difficile de croire au hasard. Malgré toutes les dispositions prises par Nicolas Zepeda-Contreras pour effacer ses traces, les enquêteurs ont pu faire parler des éléments de téléphonie. Ces données avaient permis de déterminer une large zone, où de précédentes recherches avaient été organisées.

Edwige Roux-Morizot est revenue en détail, ce jeudi, sur les efforts XXL déjà consentis pour localiser, en vain, le corps de Narumi : « Entre Dole, Parcey et la forêt de Chaux, de nombreuses battues et des repérages en hélicoptère ont été réalisés, afin de visualiser les endroits où un corps aurait pu être calciné. Au moindre doute, on a procédé à des recherches physiques. Des chiens et des plongeurs ont été également mobilisés. » Ces opérations réunissaient jusqu’à 150 policiers au sol.

Au total, pas moins de vingt tonnes de déchets ont été minutieusement récoltées et examinées par les enquêteurs et les médecins légistes, pour déceler d’éventuels fragments humains. « Ces vérifications ont duré un mois », précise la procureure de la République.

L’importance de l’ADN

Le commandant de la PJ bisontine, Régis Millet, a expliqué que ses hommes venaient d’avoir accès à de nouveaux relais téléphoniques, jusqu’alors « interdits à la consultation ». Ce qui a permis de cibler ce secteur en particulier, « où l’auteur présumé serait resté positionné un temps suffisant pour se débarrasser d’un corps », précise-t-il.

En cas de succès, les autorités s’attendent à mettre au jour un cadavre très dégradé. Mais, grâce à l’ADN, le moindre os retrouvé suffirait à formellement identifier Narumi Kurosak. L’enjeu est important, car il pourrait conditionner l’issue de cette affaire définitivement hors normes. Plusieurs scénarios sont envisageables ( lire ci-contre ). Seule certitude, les proches de Narumi, dont le deuil semble impossible en l’absence de corps, ont soif de vérité. Et de justice.

Narumi : l’issue judiciaire entre les mains de la justice chilienne

Les médias japonais suivront attentivement l’affaire Narumi Kurosaki jusqu’à son terme. Photo D.W.
Les médias japonais suivront attentivement l’affaire Narumi Kurosaki jusqu’à son terme. Photo D.W.

« Notre volonté ne fléchit pas. À l’issue de ces nouvelles opérations de recherches, courant 2018, la demande d’extradition sera cette fois officiellement transmise au Chili », a confirmé ce jeudi Edwige Roux-Morizot face aux nombreux micros. Et ce, que le corps soit ou non découvert. La Cour suprême, qui siège à Santiago, se donnera alors deux mois pour se prononcer. Dès lors, deux scénarios se dessinent.

Le Chili accepte l’extradition

Victoire. Nicolas Zepeda-Contreras est livré à la justice française et entendu par les policiers et les magistrats instructeurs. Le mandat d’arrêt international déjà émis à son encontre vaut pour une mise en examen. Une reconstitution des faits sera réalisée sur le campus de la Bouloie et dans divers endroits déterminés par l’enquête. Selon toute logique, le suspect chilien comparaîtra à l’issue de cette instruction devant la cour d’assise de Besançon.

Le Chili refuse l’extradition

Un coup dur. Mais une vraie possibilité, surtout en l’absence de cadavre. « Généralement, les pays n’extradent pas leurs nationaux. Le Chili peut le faire, mais c’est une décision souveraine », rappelle la procureure de la République de Besançon. Deux portes de sortie s’offrent alors à la France : transmettre l’intégralité du dossier à la justice chilienne (« dénonciation des faits ») ou, à l’inverse – et ce serait plus probable -, juger Zepeda-Contreras à Besançon en son absence (« procès par contumace »).

W. G.

Willy GRAFF willy.graff@estrepublicain.fr