Docteur en droit – Commissaire divisionnaire honoraire

D’ici trois ans, plusieurs dizaines de djihadistes seront libérés de nos prisons et retrouveront la liberté. Condamnés à des peines de six ans d’emprisonnement en moyenne, ces « revenants » n’en constitueront pas moins autant de bombes à retardement dont personne ne peut affirmer, aujourd’hui, si elles exploseront ou pas.

Même si la Chancellerie se dit prête à faire face à cette nouvelle menace, on ne peut que rester dubitatif quant à la capacité de notre société à gérer efficacement les centaines de terroristes aguerris qui, forts d’avoir « payé leur dette à la société », auront tout loisir de reprendre leur combat pour la grandeur de l’islam.

En outre, aujourd’hui, près d’un millier de Français engagés dans le djihad font l’objet d’un mandat d’arrêt ou de recherche. Et même si un certain nombre d’entre eux ont pu être tués au combat, ou ont choisi de rejoindre d’autres fronts djihadistes, ce sont plusieurs centaines d’individus, rompus aux techniques de combat, qui vont revenir, en toute liberté, sur notre sol. Par ailleurs, on estime à près de 1.200 le nombre d’individus radicalisés, dont la moitié au moins ont déjà été condamnés pour des faits de terrorisme ou se trouvent, pour ces mêmes faits, en détention préventive. Quand on connaît « l’effet incubateur » de la prison, on ne peut donc qu’être extrêmement inquiet.

Bien entendu, des mesures seront prises pour tenter d’éviter le pire. Note de suivi pour les plus dangereux d’entre eux, surveillance accrue de la part des services de police et de renseignement, mais saura-t-on évaluer la dangerosité réelle de ces combattants libérés et, surtout, adapter nos règles de droit à un phénomène d’une extrême gravité pour la paix publique, mais inconnu jusqu’à présent ?

Car ne nous y trompons pas. Parmi tous ces détenus libérés, seule une infime minorité rentrera dans le rang et choisira le retour à une vie paisible. Pour le plus grand nombre, ils resteront des soldats du califat. Porteur d’un projet qui les dépasse et qu’ils ont délibérément choisi de servir par les armes. Ils n’auront de cesse, par tous les moyens, de reprendre la lutte. Ce serait, d’ailleurs, leur faire injure que de penser que quelques années en prison les auront détournés de leur projet.

Se préparer à remettre en liberté celles et ceux qui, au péril de leur vie, ont choisi de combattre l’Occident et ses valeurs pour qu’y flotte un jour le drapeau du califat demande donc une sérieuse remise en question. Rappelons-nous combien il nous fut difficile de nommer cette guerre qui ne disait par son nom. Combien nos politiques et nos journalistes ont hésité avant d’employer le mot de « combattants » pour désigner nos ressortissants partis combattre en zone irako-syrienne. Et combien admettre que c’est une guerre d’une forme nouvelle à laquelle nous sommes confrontés désormais fut également âprement discuté.

Dans les mois qui arrivent, c’est à un nouveau et grave péril que nous allons être confrontés. Il faudra, pour y faire face, faire preuve de pragmatisme et de fermeté. Nos outils sécuritaires et judiciaires devront pouvoir s’adapter à cette nouvelle menace. Sans doute conviendra-t-il de confier le suivi des combattants nouvellement libérés et livrés à eux-mêmes à des services spécialisés. On imagine mal, en effet, rajouter cette mission à des services de police déjà débordés. Il faudra, ensuite, adapter notre droit à une situation inédite. Comment, en effet, poursuivre la surveillance d’individus libérés de prison et les mettre, au besoin, hors d’état de nuire ? À ces questions simples, les Français attendent des réponses concrètes. Ils ont, en effet, déjà payé un tribut suffisamment lourd au terrorisme islamiste.