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Christian Teyssèdre : «Il faut plus de policiers nationaux à Rodez»

  • Christian Teyssèdre, maire de Rodez, lundi dans son bureau : « On ne peut pas en rester là »
    Christian Teyssèdre, maire de Rodez, lundi dans son bureau : « On ne peut pas en rester là » – José A. Torres
Publié le 01/10/2018 à 20:12 / Modifié le 02/10/2018 à 10:57S’ABONNER
L’assassinat de Pascal Filoé, jeudi dernier, ouvre la réflexion du maire de Rodez sur la nécessaire prévention de tels actes. Et de réclamer en ce sens, rapidement, des moyens supplémentaires à l’état.

L’émotion, la tristesse, la douleur, la colère, restent perceptibles après le drame de jeudi, dans les locaux de l’hôtel de ville. Comment en est-on arrivé là et, surtout, comment peut-on envisager l’avenir ? Christian Teyssèdre s’en explique.

Parvenez-vous, avec l’ensemble des personnels de la Ville, à surmonter le choc après une telle tragédie ?

Très difficilement. Pascal était quelqu’un qui était apprécié de tous, qui travaillait énormément, qui avait toute ma confiance… Tout le monde se sent impliqué et personne ne peut accepter ce qui lui est arrivé, même si c’est, sûrement, un cas isolé. Il y a aujourd’hui la prise de conscience générale qu’il faut entourer sa famille, être à ses côtés. Il faut aussi surmonter une forme d’incompréhension car le sentiment général est que l’on était prévenu de ce qui pouvait arriver et que cela n’aurait pas dû se passer.

Le drame était prévisible et rien n’a été fait ?

Disons que nous avons assez vite pris au sérieux les menaces de ce marginal. C’est une affaire qui a duré des mois, depuis que les services de la police municipale ont constaté que cet individu avait un chien, classé potentiellement dangereux, qui se promenait en ville sans muselière, sans être tenu en laisse. Il était normal de lui retirer ce chien pour des raisons de sécurité. Chaque fois, à chaque contrôle, on lui en a fait la remarque, on lui a adressé de nombreuses injonctions en ce sens. Qui plus est, on s’est renseigné pour apprendre qu’il avait été condamné neuf fois pour des faits similaires, impliquant son chien, qu’il ne pouvait donc plus légalement garder avec un tel casier judiciaire. Il fallait le lui retirer. Dès qu’il l’a compris, il est venu casser, en avril, la porte d’entrée de la mairie. Et à partir de là, ce fut l’escalade des menaces et des invectives… Le fait qu’une patrouille de la police nationale lui réquisitionne finalement le chien il y a une dizaine de jours, a été déterminant. Le vendredi précédant le drame, il m’a demandé, dans la rue, de lui rendre son chien. Je lui ai répondu qu’il fallait qu’il soit en règle, que la loi est la même pour tout le monde. Et que les services de la Ville essaieraient de lui trouver une solution. Cela a été mon seul contact avec lui. J’ai senti alors que sa détermination était immense, d’autant qu’il appelait tous les jours pour son chien…

Quelles solutions pouviez-vous trouver ?

Pascal Filoé avait le dossier en main qu’il menait, comme à son habitude, avec une grande bienveillance. Les solutions que cet individu proposait ne tenaient pas car ses copains susceptibles de recueillir son chien avaient aussi un casier judiciaire. En tout cas, réglementairement, cela ne pouvait fonctionner. Mais jamais la porte du dialogue n’a été fermée, nous ne lui avons jamais opposé une fin de non-recevoir… Conciliants comme l’ont été les services avec lui, on se demande comment il a pu agir ainsi…

Il y avait quand même des signaux de dangerosité clairement perceptibles chez l’assassin présumé…

Oui, jusqu’à la veille du drame, en soirée, il se montrait de plus en plus menaçant. à de multiples reprises, on avait signalé sa dangerosité à la police nationale. Et l’on avait, ce mercredi soir, fait partir tout le personnel à 18 heures. Par sécurité.

Mais vous n’aviez pas porté plainte ?

La seule plainte contre lui, nous l’avons déposée pour la fracture de la porte d’entrée. L’affaire devait être jugée en ce mois d’octobre… Pour le reste, nous avions mentionné les menaces récurrentes au commissariat. Nous avions dit à Pascal de déposer plainte. Il répondait : « Je n’ai pas le temps ». Il n’a jamais demandé à avoir une protection. Or c’était lui qui était le plus visé, son agresseur l’avait identifié comme le responsable de son problème. Il vociférait : « Soit vous me donnez l’autorisation de reprendre mon chien, soit ça se passera mal pour M. Filoé ! ». Alors que celui-ci n’a jamais cessé de chercher des solutions !

Faut-il armer la police municipale ?

La question est désormais sur toutes lèvres : faut-il armer la police municipale ? 

Bien sûr que l’on y réfléchit. Tous les policiers municipaux ont déjà des gilets pare-balles, un « tonfa » (bâton de défense), une bombe lacrymogène… Pascal Filoé ne pouvait pas avoir de gilet pare-balles car il était hors de tout cela, il était directeur général adjoint. Et puis l’on met en place, avec un peu de mal c’est vrai, la vidéoprotection. De nouvelles armes ? Notre réflexion se porte désormais sur un Taser*. Avec cela, on va monter d’un cran. Mais pas question d’avoir des armes susceptibles de donner la mort. L’objectif n’est pas de tuer quelqu’un, mais de parvenir à le neutraliser. Une arme létale ne réglera pas les problèmes que peuvent causer des SDF.

Ces armes non létales peuvent-elles aussi être affectées aux travailleurs sociaux de la mairie ?

La loi ne nous le permet pas. Seule la police municipale peut en obtenir l’autorisation.

Et augmenter le nombre de policiers municipaux ?

Pourquoi pas. La population le demande. C’est le conseil municipal qui décidera.


* Le Taser est un pistolet à impulsion électrique qui envoie sur sa cible deux dards délivrant une décharge électrique de plusieurs milliers de volts paralysant temporairement
la cible.

A la lueur de votre récit, on a l’impression que les élus et leurs services sont impuissants à résoudre ce genre de situation. Partagez-vous ce sentiment ?

Ce n’est pas une question d’impuissance, mais une question de législation. C’est un problème de compétences. On prend des arrêtés pour interdire la consommation d’alcool sur la voie publique ainsi que la mendicité. Au-delà, faire respecter ces arrêtés, et notamment l’état de constante ébriété sur la voie publique, est du domaine de la police nationale.

C’est donc à la police nationale d’agir, mais a-t-elle les moyens suffisants ?

Non. Il manque des policiers nationaux à Rodez et notamment une BAC de jour (Brigade anti-criminalité, NDLR) qui viendrait en appui de la police municipale. J’attends du ministre de l’Intérieur qu’il donne des moyens supplémentaires à travers cette BAC de jour, et c’est la même chose pour Onet. Il faut plus de policiers nationaux pour que, notamment, les délais d’intervention soient raccourcis. Je l’ai dit aux autorités et je compte bien sûr en parler au ministre Gérard Collomb qui doit venir jeudi pour les obsèques de Pascal Filoé. On est du côté des policiers nationaux et l’on va se battre, avec eux s’il le faut, car il n’est pas normal qu’une ville de chef-lieu n’ait pas une BAC de jour.

Comment justifier ces moyens supplémentaires ? Par une augmentation chiffrée de l’insécurité à Rodez ?

Mais il n’y a pas d’augmentation de l’insécurité ! Les infractions et les incivilités n’ont pas augmenté à Rodez depuis dix ans. Ce qui a augmenté, c’est le sentiment d’insécurité que vient renforcer cet assassinat. On sait bien sûr que les gens ne peuvent plus vivre normalement devant chez eux, que des phénomènes sont visibles notamment à Rodez derrière la Poste, derrière la cathédrale, place Foch… Malgré ce drame d’ampleur exceptionnelle, il faut garder raison, mais on ne peut pas en rester là.

Il y aura, à Rodez, un « avant » et un « après » l’assassinat de Pascal Filoé ?

Forcément. Il y aura un « après » à travers la prise de conscience de la tolérance zéro, que cela plaise ou non à certains élus. Nous avons voté une charte éthique sur la vidéoprotection que nous mettons en place et les faits démontrent en particulier l’utilité des caméras. On a aussi besoin de la population pour nous informer quand quelqu’un est en danger… Il faut cette prise de conscience unanime, ce consensus par le haut sur la sécurité. Jeudi dernier, cela n’aurait pas dû arriver. Et cela ne peut être pareil demain.

Christophe Cathala
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