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Tapage nocturne : les Toulousains sont à cran

La mairie assure que la surveillance du bruit s'est intensifiée dans les secteurs chauds./ DDM, Thierry Bordas
La mairie assure que la surveillance du bruit s’est intensifiée dans les secteurs chauds./ DDM, Thierry Bordas

«Je n’en peux plus : je l’entends comme s’il jouait de la batterie dans mon salon alors qu’il habite un autre pâté de maisons. Venez vite». Des coups de fils comme celui-ci, le centre opérationnel de la gendarmerie (COG) en reçoit des centaines par semaine. C’est l’été et, à Toulouse comme à la campagne, le problème du tapage nocturne a vite tendance à exaspérer les gens. Terrasses de café, incivilités en tout genre, alcoolémie, piscines «squattées» ou problèmes de voisinage : le phénomène est polymorphe. Mais plus ça va, plus la «tension» gagne du terrain, de sorte que les collectifs de riverains ne cessent de se créer pour porter haut la voix de l’exaspération. L’une des plus récentes – et certainement, la plus virulente – est «Droit au sommeil» mais il existe également «Bien Vivre à Toulouse» ou la toute nouvelle «Bonjour la nuit» qui guettent les comportements déviants et pas forcément que dans la rue.

L’alcoolisation fait sauter les verrous

Avec 115 000 étudiants toulousains, les problèmes de cohabitation avec les familles ou les personnes âgées deviennent légion. «Depuis deux ans, on observe une montée en puissance des associations de riverains qui a créé un certain effet anxiogène : les jeunes redoutent la sanction et préfèrent rester chez eux faire la fête pour des questions économiques et d’organisation», estime Christophe Vidal, président de Toulouse Nocturne et maire de la nuit 2014. Et l’alcoolisation à la maison a tendance à faire sauter les verrous de l’inhibition et du respect. Incivilités dans les immeubles, nuisances sonores à outrance ou altercations entre voisins : «Ce n’est pas un épiphénomène : il est nécessaire de faire de la prévention afin de responsabiliser les gens en lançant une campagne d’information à mener avec les syndicats de copropriété sur les bonnes attitudes à avoir sur le vivre ensemble. Il faut que l’on parvienne à instaurer plus de communication», poursuit Christophe Vidal. Ainsi, il a tenté un temps de se rapprocher de la FNAIM (Fédération nationale de l’immobilier) mais sans succès. Selon lui, la seule répression ne peut pas suffire à endiguer un problème qui remonte à des décennies.

Il est certain que la municipalité est passée à la vitesse supérieure en termes d’interventions. Les chiffres sont éloquents : en 2016, la police municipale, notamment par le biais de la ligne «Allô Toulouse» (1), est intervenue 5 127 fois pour des tapages nocturnes contre 2 838 en 2016, alors même que le nombre de signalements est relativement stable : 10 382 en 2015 et 9 358 en 2016.

Il est à noter que le phénomène de tapage nocturne ne concerne pas que la métropole et que les territoires ruraux sont également touchés, insiste le président de Toulouse Nocturne.


Interview

Major Marcos : «Les gens ne se parlent plus entre eux»

10 % de vos interventions concernent les tapages nocturnes. Comment se l’explique-t-on ?

Bien sûr, l’été les gens vivent beaucoup plus dehors et avec l’alcool, certains ont tendance à se lâcher un peu trop. Ceux qui dorment avec les fenêtres ouvertes entendent donc forcément plus les nuisances. Mais le plus frappant c’est que, bien souvent, les riverains ne se parlent pas entre eux. Il y a ceux qui font des fêtes ou reçoivent du monde sans prévenir les voisins ou à l’inverse, ceux qui pensent qu’en épinglant un mot d’excuse dans la cage d’escalier, ça excusera tous les débordements. C’est faux : on peut être verbalisé pour tapage à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, il n’y a pas de créneau horaire. Il y a un vrai problème de communication en amont et bien souvent, ce sont les gendarmes qui font le rôle de médiateur ou de juge de paix.

Ce qui paraît un peu paradoxal à l’heure de l’hyper-connectivité et de ce besoin d’être toujours joignable ?

Oui mais en «vrai», beaucoup ne se parlent plus. Par le passé, surtout ici à Toulouse, on s’expliquait en patois, on se disait les choses. Parfois, le ton pouvait monter un peu mais au moins, la communication était établie. Aujourd’hui, c’est l’ère du téléphone et on appelle les gendarmes pour régler ses problèmes de voisinage. Mais ça consomme des moyens opérationnels, de l’énergie et de la patience. Ils préféreraient s’occuper de la sécurité publique…

Et eux-mêmes sont parfois pris à partie…

Il y a en effet une montée des violences contre les gendarmes. Le nombre de procédures d’outrages ou de violences en atteste. Mais dans le monde rural, il y a quand même un contact et une proximité avec la population qui aident à modérer, à calmer les gens. Souvent, les plaignants nous appellent en menaçant de débarquer chez le voisin avec une arme mais ils n’en font rien : c’est pour nous inciter à nous déplacer.

Certains secteurs sont-ils plus touchés que d’autres ?

Peut-être que certaines zones pavillonnaires sont un peu plus policées que le centre-ville de Toulouse, par exemple, où la police municipale est confrontée à du festif «de masse». Mais sinon, c’est un phénomène qui touche toutes les couches de la population qui monte en puissance le week-end et les vacances parce que les gens ont du temps libre, tout simplement. Cela trahit surtout un problème de comportement en société.


Jusqu’à 30% de l’activité des gendarmes

Depuis le début de l’année, les gendarmes de la Haute-Garonne se sont déplacés 2 370 fois pour des problèmes de tapage nocturne entre voisins sur un total d’environ 22 000 interventions. Soit plus de 10 % de leur activité. Un chiffre énorme quand on sait que la zone gendarmerie exclut les villes de Toulouse, Blagnac, Tournefeuille et Colomiers, c’est-à-dire les plus peuplées du département. Communiquées vendredi matin par le centre opérationnel de la gendarmerie (COG), ces statistiques n’auront d’ailleurs de cesse d’augmenter pendant le week-end et le reste du mois d’août.

Le paramètre climat y est bien évidemment pour beaucoup. Mais le phénomène s’observe toute l’année. En janvier, on parlait de 174 interventions quand le mois de juin en fait mention de 526. En juillet, il faut en rajouter 609. «C’est tous les soirs, signale le capitaine Cocault, adjoint de la compagnie de gendarmerie de Villefranche-de-Lauragais. Tout est prétexte, les gens ne se supportent plus. En moyenne, ça représente 30 % de notre activité.» Dans la nuit de mercredi à jeudi, jour de semaine, sur 100 déplacements sur le terrain, 30 concernaient des problèmes de voisinage. «Dans 95 % des cas, ça se passe bien et le déplacement reste dissuasif», souligne le capitaine Douchez, adjoint de la compagnie de gendarmerie de Saint-Michel, à Toulouse, en charge du nord du département. En effet, dans 5 % des cas, certaines situations peuvent dégénérer à cause de protagonistes échaudés par l’alcool ou la récurrence desdites nuisances. Dans la nuit de mardi à mercredi, les hommes du groupe de nuit d’intervention et de surveillance (GNSI) du capitaine Douchez ont essuyé plusieurs injures de la part d’un individu alcoolisé en se rendant à Balma pour un tapage nocturne. «Mais ça reste à la marge», insiste le militaire. Et tant mieux ! Car ce genre de situations peut vite dégénérer.

En septembre dernier, c’est carrément le PSIG (peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie) qui a dû renforcer ses collègues de L’Union, Balma et Castelginest pour neutraliser un individu à Saint-Jean. Celui-ci, très mécontent d’apprendre que son voisin avait contacté les gendarmes pour se plaindre du bruit, a décidé d’en découdre en sortant hachette et marteau pour dégrader son véhicule. Normal, quoi.


Un guide de prévention départemental

Dernièrement, Toulouse Nocturne, le conseil départemental et la préfecture ont édité un guide des bonnes pratiques intitulé «La Haute-Garonne en mode nuit» qui est diffusé sur l’ensemble du territoire. Mais Christophe Vidal ne compte pas s’arrêter là. Il réfléchit à une campagne de prévention à la veille de la rentrée universitaire ou encore à la création d’un conseil de la nuit qui rassemblerait professionnels, associations de riverains et élus pour «renouer le dialogue». De même, autoriser les établissements de nuit à fermer librement «permettrait de diluer la faune» de 15 000 personnes qui sortent des bars à 3 heures le samedi.

Mais pour ceux qui s’estiment épuisés, un service de médiation a été créé par la municipalité. Il est composé de policiers municipaux expérimentés qui, lorsque les conflits de voisinage se voient répétitifs ou de très longues dates, engagent des procédures plus complexes d’études spécifiques sur les causes des nuisances, s’occupent de la mise en relation de services partenaires municipaux ou extérieurs, des conciliateurs de justice, etc.

G.J.

Source:: Tapage nocturne : les Toulousains sont à cran

 

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