Le procès de Jacques Cassandri, cerveau présumé de l’opération, débute ce lundi à Marseille. Une question : qu’est devenu le butin ?

Un tunnel, des chalumeaux, du vin et un message aux policiers : à l’été 1976, la Société Générale de Nice est le théâtre du « casse du siècle ». Plus de quatre décennies après, la justice pourrait rattraper in extremis le cerveau présumé : figure du milieu marseillais, Jacques Cassandri doit être jugé à partir de ce lundi à Marseille.

Retour en arrière. Le 18 juillet 1976, l’équivalent de 46 millions de francs (un peu plus de 7 millions d’euros) s’évaporent de la salle des coffres de la Société Générale de Nice. « Ni coup de feu, ni violence, ni haine« , fanfaronnent sur un billet laissé sur place les auteurs de ce « casse du siècle », qui fuient par le tunnel qu’ils ont creusé depuis les égouts de la ville.

Opération « digne des meilleurs policiers »

Les cambrioleurs ont choisi un week-end, les 16 et 17 juillet 1976. Pendant deux jours et deux nuits, ils dévalisent près de 200 coffres de particuliers, sans oublier le coffre-mural. Argent liquide, lingots, bijoux… le butin, difficile à évaluer dans un premier temps et qui n’a jamais été retrouvé.

Le vol n’est découvert que le lundi en fin de matinée lorsque la direction de la banque s’aperçoit que la porte d’accès à la salle des coffres est mystérieusement bloquée. « Les gangsters, avaient pris soin, avant de disparaître, de (la) souder de l’intérieur au chalumeau », rapporte à l’époque l’AFP. « Cette opération est digne des meilleurs policiers, entendait-on autour du groupe de policiers tentant de remonter en sens inverse le chemin emprunté dans les gangsters dans les égouts de Nice.

Affluence de clients et de curieux devant la Société générale au lendemain du casse.
Affluence de clients et de curieux devant la Société générale au lendemain du casse.

CRÉDIT PHOTO : ARCHIVES AFP

Préparation minutieuse

Les enquêteurs découvrent rapidement que la mise à sac de la banque – située à moins de 200 mètres de la Sûreté urbaine – a été préparée par un groupe d’au moins six cambrioleurs, selon un scénario minutieusement élaboré.

Les malfaiteurs ont d’abord transporté une trentaine de bonbonnes d’acétylène à bord d’une camionnette le long d’une voie souterraine, réservée à la voirie, entre le théâtre de Nice et le casino municipal sur une distance de 1,5 km. Puis, ont effectué les derniers 400 mètres à bord de canots pneumatiques, avant d’atteindre un tunnel de huit mètres de long qu’ils avaient eux-mêmes creusés.

« Ils ont creusé le boyau exactement au niveau qui permettait de faire basculer le coffre de 5 tonnes qui était adossé à la paroi par laquelle ils ont pénétré dans la salle des coffres. Une erreur même minime aurait fait échouer ce travail », explique à la presse le commissaire principal de la police judiciaire de Nice, Jacques Besson.

« C’est une équipe éclectique, composée de techniciens du casse, qui a réussi cette opération gigantesque. Des spécialistes du dessoudage ont découpé au chalumeau les coffres-forts. Des électriciens ont acheminé des centaines de mètres de câbles à travers les canalisations d’égout pour permettre d’éclairer les baladeuses nécessaires à la construction du tunnel. Des maçons ont cimenté intégralement les parois du tunnel creusé à hauteur d’homme pour éviter un éboulement et faciliter le passage des sacs remplis de richesse »

Photos porno, bouteilles de vin et paquets de cigarettes…

Dans le sous-sol de la banque, les gangsters, qui n’ont laissé aucune empreinte, ont « tranquillement pris leurs aises », raconte encore le journaliste de l’AFP qui officiait alors. Les murs ont été « égaill(és) à l’aide d’une série de photos pornographiques » et l’argenterie retirée des coffres transformée en « vase de nuit ».

Les enquêteurs y retrouvent « des restes de repas – potage, croûtons de pain… -, des bouteilles de vin et des paquets de cigarettes encore pleins », ainsi qu’un message des cambrioleurs : « ni coup de feu, ni violence, ni haine ».

Le lendemain, l’AFP décrit des scènes de panique dans la banque, prise d’assaut par des centaines de clients « surexcités pressés de savoir si le numéro de la clef de leur coffre était couché sur la liste fatidique des coffres fracturés ». Alors que le directeur de l’établissement tente tant bien que mal d’interdire l’accès à la salle des coffres, « un verre d’eau de vie (doit) être servi à une dame défaillante après l’annonce de la disparition de ses bijoux ».

… et un butin jamais retrouvé

Le casse a notamment donné lieu à un film avec Jean-Paul Rouve dans le rôle d'Albert Spaggiari, longtemps considéré comme le cerveau de l'opération.
Le casse a notamment donné lieu à un film avec Jean-Paul Rouve dans le rôle d’Albert Spaggiari, longtemps considéré comme le cerveau de l’opération.

CRÉDIT PHOTO : ARCHIVES AFP

La justice n’a jamais mis la main sur le butin. Un seul membre du commando, Jean Megozzi, a été condamné. Longtemps considéré comme le « cerveau » du casse, Albert Spaggiari, arrêté à Nice en octobre 1976, s’évade l’année suivante du bureau du juge d’instruction. Condamné à perpétuité par contumace, il est mort sans jamais être repris.

Reste Jacques Cassandri, 74 ans. En 2010, alors que le vol est prescrit, un livre-témoignage entend raconter la vérité sur le casse. Exit Albert Spaggiari : l’auteur, sous le pseudonyme d’ »Amigo », affirme être le véritable « cerveau » de l’opération. Derrière ce nom de plume se cache, les juges en sont vite certains, Jacques Cassandri.

Bien trop tard pour espérer traîner Cassandri, a priori seul survivant du commando, devant le tribunal pour le casse. Mais le septuagénaire, soupçonné de longue date d’être un important financier du milieu, a bien dû investir ses millions. Et le blanchiment, lui, n’est pas prescrit.