Ils sont jeunes. Une vingtaine d’années seulement et déjà un passif à faire froid dans le dos. Ces deux anciens amis trafiquaient dans la drogue, sans doute la vente pour l’un, la consommation pour l’autre. Tout a basculé entre eux le soir du 18 janvier 2014, dans le quartier des Tilleroyes à Besançon. Ils s’étaient donné rendez-vous près d’un parking. Nul ne peut dire lequel a tendu le piège à l’autre. H. était à pied, N. en voiture, accompagné.

Ils se sont querellés pour une histoire de dette de vacances, selon leurs dires. N. avait semble-t-il des difficultés à rembourser H. Les langues s’échauffent. Plusieurs témoins oculaires raconteront aux enquêteurs que H. était le plus menaçant. Un seul affirmera que N. portait une arme sous sa veste et qu’il l’a dégainée. Une certitude : les deux jeunes gens se sont empoignés pour maîtriser l’arme à feu. Un coup est parti. H. a été gravement touché à la jambe. Le revolver est tombé. H. s’en est emparé et a tiré trois fois sur N., en fuite, en le blessant.

« Je ne le visais pas particulièrement », se défend-il. « J’avais peur. » Alexis Pernot, le président, est plutôt dubitatif : « On se tire rarement dessus pour de petites dettes. C’est plutôt fréquent dans les histoires de gros trafics de stupéfiants. » Le juge fait référence aux 2 kg d’herbe de cannabis que H. aurait confiés à N. et qui auraient disparus, selon la petite amie du premier prévenu. N. nie les faits. Dans toute cette histoire, les magistrats veulent savoir qui détenait l’arme en premier. Les principaux intéressés se renvoient la responsabilité.

Christian Molé, le procureur, est convaincu que N. est bien le primo attaquant. « Il a livré plusieurs versions fantaisistes aux enquêteurs. L’angle du premier tir, selon le rapport médico-légal, prouve que H. a été attaqué au départ. Ces deux garçons ont chacun reçu des condamnations antérieures pour transport d’armes, vols, violences et usage de drogues. Je requiers 4 ans ferme pour N. et 3 ans ferme pour H. »

La question de la légitime défense se pose pour Hervé Temine, l’avocat de H. « Il a été agressé, il s’est protégé. » Ce que réfute Randall Schwerdorffer, le conseil de N. « Mon client s’est retrouvé de dos lorsqu’il a fui. L’autre n’avait pas besoin de lui tirer dessus. Je suis d’accord pour que vous les condamniez pour violences réciproques, mais à égalité. Je tiens aussi à rappeler que les analyses ADN sur les balles n’ont pas pu être effectuées. Ces dernières ont été manipulées par la balistique sans précautions. Cela nous aurait permis de savoir qui avait chargé le revolver. »

Le tribunal s’accorde le temps de la réflexion. Il rendra son délibéré le 22 décembre.

Paul-Henri PIOTROWSKY