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Une surveillante de Beausoleil témoigne :«La sécurité à l’intérieur de la prison n’est pas optimale»

Posted On 26 Jan 2018
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Dans sa carrière, Marina (nous avons volontairement changé le nom pour préserver son identité) a connu la prison des Baumettes à Marseille, l’une des plus grandes de France avec plus de 1 700 détenus. Elle a ensuite travaillé à Seysses en Haute-Garonne avant d’arriver en 2010 à la maison d’arrêt de Beausoleil à Montauban. Elle nous parle de ses conditions de travail qui se sont dégradées ces dernières années et pointe du doigt des dysfonctionnements à l’intérieur de l’établissement.

Êtes-vous solidaire du mouvement social national qui demande plus de moyens pour les prisons ?

Oui, complètement ! Nous devons faire face à des détenus de plus en plus dangereux qui ne devraient même pas être admis en maison d’arrêt vu leur état psychiatrique. Ces individus-là auraient besoin de soins continus dans un environnement médical, entourés de médecins et d’infirmiers. Pas de se retrouver derrière les barreaux d’une prison.

Avez-vous des méthodes de travail particulières face de tels détenus ?

Il faut redoubler de vigilance et travailler en équipe avec les collègues. Pour ma part, je veille à toujours garder une distance verbale et physique avec les détenus. J’ai toujours une main sur un appareil émetteur que nous portons tous, prête à lancer un signal d’alerte si une situation dégénère.

Le travail est-il plus difficile pour une femme ?

Si mes collègues masculins peuvent parfois tutoyer des détenus voire leur serrer la main le matin, ce sont des choses que je m’interdis. Je veille à conserver cette distance de sécurité entre eux et moi. Si la situation devient plus musclée, ce n’est pas avec mon petit gabarit que je vais maîtriser les choses. Il me faut donc anticiper en permanence quand le contexte se tend.

En ayant travaillé avant dans des centres aussi peuplés que les Baumettes ou Seysses, la maison d’arrêt de Montauban et ses 215 détenus doit vous sembler plus « familiale »…

C’est vrai que cet établissement est à taille humaine. On connaît tous les individus et on peut rapidement se faire une idée de chacun. Mais ce n’est pas une raison pour négliger la sécurité à l’intérieur. Des problèmes techniques importants nous privent d’une surveillance caméra dans certaines parties. Cela fait des mois que ça ne marche pas. La direction le sait, l’administration régionale aussi, mais rien ne bouge. Je me retrouve parfois seule dans les secteurs socio-éducatifs de la prison qui regroupent le coiffeur, l’école, les lieux de culte… sans que mes collègues puissent avoir une vue de ce qu’il se passe.

Le système de caméra n’est-il pas un outil important du dispositif de sécurité à l’intérieur de la maison d’arrêt ?

On peut se poser la question ! Pour des questions financières, la maintenance n’est pas faite. Idem pour le pupitre d’ouverture des grilles dans la partie détention. Cette tablette tactile dysfonctionne et doit régulièrement se réinitialiser. Cette opération dure plus d’une minute. Imaginez ce qui peut arriver durant ce laps de temps s’il y a un problème. La sécurité à l’intérieur de la prison n’est pas optimale.

Vous avez été un des tout premiers établissements en France à manifester, demandant une réduction du nombre de détenus durant les travaux de pose de filins. Où en êtes-vous ?

Au point zéro. Même si notre établissement a été construit pour 144 détenus et que nous en comptons plus de 210 actuellement, l’administration pénitentiaire nous refuse un désencombrement durant la durée des travaux. La situation ne bouge pas depuis l’automne. Une grue est arrivée puis elle est repartie. On ne sait toujours pas quand les travaux seront commencés. Et en attendant, les promenades sont réduites et la pression monte chez les détenus.

Que devrait changer la pose de ces filins ?

Beaucoup de choses, on l’espère ! Ils éviteraient bon nombre de projections de colis chargés de téléphone portable, résine de cannabis, alcool ou encore des couteaux en céramique qui ne sonnent pas aux portiques de détection de métal installés à la sortie des cours de promenade. La tension entre les détenus est terrible pour organiser le trafic à l’intérieur. Les fouilles se passent mal parfois surtout quand ils reviennent complètement saouls après avoir avalé en quelques minutes l’intégralité d’une bouteille envoyée depuis l’extérieur. On voit atterrir ces colis dans la cour. Mais par manque d’effectif, nous n’allons plus les ramasser. On a lâché du terrain face aux détenus et c’est très dur de l’accepter.

À noter : Le mouvement social a marqué une pause aujourd’hui, le temps d’étudier ce week-end les dernières propositions de la Chancellerie. L’accueil des familles aux parloirs est maintenu demain.

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