Emmanuel Macron a annoncé, le mois dernier, qu’il souhaitait la création d’une agence des travaux d’intérêt général, afin d’étendre ce dispositif existant dans le cadre d’une politique carcérale plus humaine et plus efficace. L’idée paraît séduisante, bien qu’elle appelle de sérieuses réserves.

Le TIG existe depuis de nombreuses années. Il permet à un tribunal de substituer à une peine de prison une activité non rémunérée au service de la collectivité, sous le contrôle du juge de l’application des peines. La mesure est peu utilisée pour deux raisons : les peines prononcées, dans la majorité des cas avec sursis, ne s’y prêtent pas ; les travaux d’intérêt général ne sont pas proposés en assez grand nombre. La proposition présidentielle permettrait peut-être de remédier à la seconde raison. Reste la première…

TIG, d’accord ! Mais pour quoi faire, pour qui, et avec quelles conséquences ?

Pour quoi ? Nettoyer des berges ou des bords de routes emplis de plastiques en tous genres, laver les façades maculées de graffitis, balayer les caniveaux, ramasser les crottes de chien, servir des repas dans des associations d’aide aux démunis, autant d’actions qui pèsent sur la puissance publique ou le bénévolat, et qui pourraient avantageusement être accomplies par des condamnés, pour le plus grand profit des finances publiques. Mais ce n’est pas suffisant.

Pour qui ? Inutile de se voiler la face, seuls les condamnés « sortables » sont éligibles à de tels travaux. Cela en exclut les criminels, les délinquants sexuels, les trafiquants de stupéfiants et l’innombrable cohorte des détenus pour violences. En bref, tous ceux dont l’incarcération est nécessaire pour protéger la société de leurs méfaits. Et ils sont une immense majorité. Reste la délinquance en col blanc (ou bleu), et tous les petits délits qui, souvent, n’ont rien à faire en prison, si ce n’est que la Justice les condamne par idéologie ou parce qu’ils sont récidivistes. Tous ceux qui ne présentent pas de danger particulier pour autrui seraient éligibles à cette mesure, au lieu des ridicules « stages de citoyenneté » à la mode actuellement.

Comment ? La question est centrale : il est indispensable de prévoir un encadrement et une surveillance. Pour cette dernière, le bracelet électronique est sans doute une solution, qui permet de repérer la personne où elle se trouve et sans difficulté. L’encadrement ne s’improvise pas. Si l’objectif est d’éviter le pourrissoir de la prison, de payer une dette à la société en travaillant gratuitement pour elle et de donner aux délinquants un cadre de vie régulier, axé sur le travail, la discipline et le respect, c’est une vie quasi militaire qu’il faut leur imposer. Lever tôt, tenue uniforme et propre, horaires fixes, travail réel et contrôlé, tout ceci nécessite un encadrement sérieux et bien formé. Au regard des conditions de travail des surveillants pénitentiaires, il est permis de s’interroger. Mais pourquoi ne pas proposer cela à des sous-officiers à la retraite, d’anciens policiers, pompiers, gendarmes ?

En réalité, il s’agit d’envisager une alternative fondée sur le volontariat et le contrat : soit une peine de prison, soit une peine de TIG d’une durée deux fois moins longue. Avec le retour à la case prison en cas d’incartade, d’insubordination ou de travail bâclé. En quelque sorte le retour de colonies pénitentiaires. Auxquelles on pourrait ajouter, en prison, le même genre de dispositif pour les détenus qu’il est nécessaire de conserver en milieu fermé.

Nous sommes loin d’une simple agence des TIG. Utopie ? Sans doute autant que l’apparition de la prison il y a deux siècles. Et pourquoi ne pas essayer, à titre expérimental ? Purger une peine au profit de la société tout en évitant les pires inconvénients de l’incarcération aurait du sens.

Du bon sens, en quelque sorte.