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« Solitaire », « pervers », « autoritaire »… Qui est Jean-Marc Reiser, principal suspect dans la disparition de Sophie Le Tan ?

Posted On 21 Sep 2018
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Cet homme au profil inquiétant est suspecté d’être responsable de la disparition d’une jeune étudiante de 20 ans, qui n’a plus donné de nouvelles depuis le 7 septembre.

Des photos de Sophie Le Tan à l\'entrée de l\'immeuble où vivait l\'homme accusé de son meurtre, à Schiltigheim (Bas-Rhin) le 20 septembre 2018.
Des photos de Sophie Le Tan à l’entrée de l’immeuble où vivait l’homme accusé de son meurtre, à Schiltigheim (Bas-Rhin) le 20 septembre 2018. (FREDERICK FLORIN / AFP)

L’inquiétude grandit pour Sophie Le Tan. Et Jean-Marc Reiser se mure dans son silence. Cet homme de 58 ans est le principal suspect dans la disparition de cette étudiante de 20 ans, qui devait visiter un appartement à Schiltigheim (Bas-Rhin), le matin du 7 septembre. Elle n’a plus donné de signe de vie depuis. Les éléments de l’enquête ont conduit à la mise en examen de Jean-Marc Reiser pour assassinat, enlèvement et séquestration, à Strasbourg. Franceinfo se penche sur le profil de ce suspect à la personnalité très inquiétante.

Un individu déjà condamné pour viol

Jean-Marc Reiser a un lourd passif judiciaire. En 1997, il est interpellé lors d’un contrôle de routine des douaniers, qui découvrent alors dans sa voiture un arsenal d’armes de poing, un fusil à pompe, des cagoules, des stupéfiants, ainsi que des photos pornographiques. Interrogé par Le Parisien, Eric Braun, son avocat à l’époque, évoque des photos de femmes« nues, endormies ou mortes ».

Ces découvertes amènent à sa condamnation en 2001 – confirmé en appel en 2003 – à quinze ans de réclusion criminelle pour deux viols, commis en 1995 et 1996, dont un aggravé sous la menace d’une arme. Une peine de prison qu’il a tenté d’éviter de façon spectaculaire à l’été 2000 en essayant de s’enfuir du palais de justice de Besançon (Doubs), lors d’une audience de la cour d’appel qui examinait sa demande de remise en liberté. La tentative lui vaut une autre condamnation de huit mois ferme.

Mais son nom apparaît dans une toute autre affaire jugée en 2001, où il bénéficie d’un acquittement. Une jeune femme de 23 ans, représentante de commerce, a disparu en 1987 à Strasbourg, et Jean-Marc Reiser est son dernier client connu, rapportent Les Dernières Nouvelles d’Alsace. Le corps n’a jamais été retrouvé. « La justice n’a pas pu apporter la preuve qu’il y avait un lien entre lui et la disparition de cette jeune femme. Pourtant, il a bien reconnu qu’elle était passée chez lui… Il manquait juste un fil », confie au Parisien Valérie Gletty, avocate de la partie civile à l’époque.

Un « solitaire » taciturne

Fils de forestier alsacien, Jean-Marc Reiser a étudié à l’Institut régional d’administration (IRA) de Bastia (Haute-Corse), indique Le Parisien. Contacté par franceinfo, une ancienne camarade, qui a effectué un stage avec lui à cette époque, se dit « sidérée et effrayée » par les dernières révélations : « Il n’avait rien de monstrueux en apparence, évidemment. Il était cadre A des œuvres universitaires. »

Sorti de prison en 2012, l’homme est aujourd’hui inscrit à l’Université de Strasbourg et sans profession. Il vit seul mais a une amie, selon les enquêteurs. Les premiers témoignages recueillis décrivent un homme renfermé et taciturne. « Il s’agissait d’un homme physiquement imposant. On se disait à peine bonjour, il était solitaire », a raconté à l’AFP une voisine de son immeuble à Schiltigheim.

On ne savait rien du tout de son passé judiciaire, on l’ignorait et on l’a appris par le biais de cette affaire.Une voisine de Jean-Marc Reiserà l’AFP

Un mutisme qu’il a gardé devant les enquêteurs, le suspect ayant « fait le choix de ne répondre à aucune question » sur la disparition de Sophie Le Tan lors de sa garde à vue, a indiqué Yolande Renzi, procureure de la République de Strasbourg.

Un suspect « autoritaire » et « directif « 

Dans la bouche de ses anciens avocats, Jean-Marc Reiser est décrit sous un autre jour. Ils détaillent à France 3 le portrait d’un homme froid, imposant et autoritaire. Selon eux, sa personnalité marque les esprits et reste en mémoire. Jean-Pierre Degeneve, avocat commis d’office lors de son procès en 2001, se souvient d’un homme « directif dans les entretiens » : « Le président a eu toutes les peines du monde à essayer de le faire parler de lui-même. »

Et d’ailleurs, les experts psy avaient relevé à l’époque qu’il mettait des barrières à l’entretien, les empêchant ainsi de creuser sa personnalité, c’est assez rare pour être relevé.Jean-Pierre Degeneve, avocat du suspect en 2001à France 3

« Quand vous n’arrivez pas à avoir un contact profond avec vos clients, vous ne pouvez pas assurer une défense absolue », ajoute le conseil, qui garde un sentiment de malaise au souvenir de ce procès. « Un avocat doit puiser sa force dans les relations qu’il a avec son client pour pouvoir exprimer avec d’autres mots, des mots plus profonds, sa personnalité, ce qui peut conduire à douter des faits qui lui sont reprochés. Là, il a un peu saccagé ma défense parce qu’il faisait preuve de trop de force, trop d’autoritarisme. » Dans Le Parisien, les voisins de son logement alsacien confirment le profil d’un homme « autoritaire » ou « étrange ». « Il vous fixait du regard jusqu’à vous mettre mal à l’aise », confie une voisine au quotidien.

Un « pervers » intelligent

D’après Les Dernières Nouvelles d’Alsace, certains de ses ex-collègues d’Inter Mutuelles Habitat (IMH) qualifient Jean-Marc Reiser de « vieux pervers ». L’une d’elles raconte notamment que Jean-Marc Reiser n’était « pas très assidu au travail » et « avait un regard bizarre ». Il avait, dit-elle, une façon « étrange de toujours vouloir coller les jeunes filles ».

« Je me rappelle de lui, c’était le pervers par excellence », raconte au ParisienIsabelle Steyer, avocate de la partie civile lors du procès de l’Alsacien en 2001. « Un homme pas du tout fruste, intelligent même, qui savait s’exprimer et avait les mots pour se défendre. La présidente a malgré tout réussi à le mettre en difficulté à plusieurs reprises. » « Il était filandreux, mielleux, répondant à côté des questions », ajoute l’avocate.

Un homme minutieux

« Ce personnage était beaucoup plus complexe qu’il paraissait, pointe Isabelle Steyer. Il était poursuivi pour des viols au mode opératoire très différents. » Dans l’enquête sur la disparition de Sophie Le Tan, Jean-Marc Reiser est soupçonné d’avoir agi avec préméditation en tendant un piège à la jeune étudiante.

Selon Christophe Allain, directeur régional de la police judiciaire du Grand Est, l’homme a d’ailleurs déjà tenté d’attirer trois jeunes filles « dans un piège fatal » à Schiltigheim, dans le même appartement que Sophie Le Tan devait visiter. Le suspect aurait tenté de piéger les jeunes filles à l’aide d’annonces immobilières publiées sur internet. Ces dernières étaient venues accompagnées et personne ne s’était finalement présenté, détaille France 3. Pour ne pas se faire repérer, Jean-Marc Reiser s’arrangeait pour garder son anonymat par téléphone, explique Christophe Allain en conférence de presse.

Il restait très flou sur la localisation de l’appartement. Le seul but était de les attirer sur son territoire de chasse.Christophe Allainlors d’une conférence de presse

Selon Le Parisien, les enquêteurs se penchent également sur l’intérêt du suspect pour les cabinets vétérinaires. Il en aurait cambriolé au moins deux dans l’agglomération de la capitale alsacienne en 2012 et 2016. « On y trouve des produits analgésiques puissants et des relaxants musculaires très efficaces qui permettent de mettre la victime dans un état léthargique et de soumission totale », confirme une source judiciaire au journal. Ces cambriolages lui ont valu de nouveaux ennuis avec la justice, comme le détaille L’Alsace. Plus récemment, selon Le Figaro, les policiers ont par ailleurs découvert dans sa voiture des pelles, des cordes et des fioles de GHB, surnommé « drogue du violeur ».

Des découvertes accompagnées par de nouveaux éléments troublants. En plus de l’ADN attribué à Sophie Le Tan, les enquêteurs ont ainsi retrouvé un deuxième ADN féminin inconnu dans les traces de sang présentes dans l’appartement du suspect à Schiltigheim. Ces découvertes ont amené l’Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) à se pencher sur l’enquête. L’OCRVP est chargé d’explorer tous les cas de disparition inexpliquée qui correspondent au profil de la victime, afin de voir si des rapprochements peuvent être faits avec Jean-Marc Reiser.

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