Ecrivain, musicienne, plasticienne

C’est, en quelque sorte, le cadeau de Noël des sunnites aux citoyens égyptiens : la préparation d’un projet de loi visant non seulement à interdire (!) mais à criminaliser l’athéisme.

Il ne suffit pas, à ces gens-là, de pourrir concrètement le quotidien des braves gens, il leur faut aussi prétendre régner sur les esprits, les consciences et les cœurs.

Le site JeuneAfrique.com nous livrait cette information le 29 décembre dernier, reprise par Marianne et Valeurs actuelles, mais force est de constater qu’elle n’est pas du type à défrayer la chronique. Par peur, sans doute, pour les grands médias, de se faire accuser d’islamophobie primaire, systématique et viscérale…

C’est le député Amr Amroush, président du Comité religieux du Parlement égyptien, qui porte cette belle idée. Il est soutenu dans son projet par Al-Azhar, la plus haute autorité religieuse sunnite. Au programme, des peines allant de l’amende à la prison ferme pour tenter d’éradiquer ce « fléau qui se propage surtout au sein de la jeunesse égyptienne », a-t-il confié au quotidien Al Chourouk. Et qu’importe si la Constitution du pays est censée garantir « la liberté de croyance », c’est son article 2 qui l’emporte puisqu’il déclare l’islam « religion d’État » et fait de la charia le fondement de la législation. Fort de quoi le grand mamamouchi du régime Mohamed Zaki, chef du Conseil suprême d’Al-Azhar, a renchéri :

« Il est nécessaire de promulguer des lois qui dissuadent les gens de violer les instincts naturels de l’homme et de punir ceux qui ont été séduits par l’athéisme. La force de dissuasion doit être sévère pour empêcher la propagation de cette pensée empoisonnée parmi les musulmans. »

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On ne sait pas si la foi en un Dieu est considérée comme « un instinct naturel de l’homme » ou si cette mise en garde vise l’homosexualité, autre obsession des barbus, mais l’un et l’autre peuvent désormais conduire en prison.

Cette histoire, scandaleuse dans l’instant, peut, si l’on y réfléchit bien, cacher une bonne nouvelle. Une seconde, je m’explique… Comme le dit très bien Pascal Bruckner dans le dernier chapitre de son livre Un racisme imaginaire(Grasset) :

« Une partie du monde musulman se radicalise non parce qu’il s’éloigne de nous pour revenir aux premiers temps du califat, mais parce qu’il se rapproche de l’Occident et se sent menacé, moins par les innovations scientifiques que par les libertés octroyées. »

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Ce qui se passe aujourd’hui en Égypte, et depuis quelques jours en Iran, en est une parfaite illustration. Beaucoup de fidèles du Coran, dit Bruckner, « voudraient avoir la possibilité, permise aux autres religions du monde, de croire à leur rythme et à leur guise, et surtout de ne pas croire, de laisser le Tout-Puissant sous la forme d’une interrogation ou d’un peut-être ».

La panique des mollahs est celle de voir s’effondrer leur monde d’hier, fait d’interdits et de contraintes par lesquels ils terrorisent et asservissent les populations. Or – et je pense que Bruckner a, là aussi, tout à fait raison – « ce dont les peuples veulent être libérés, ce n’est pas tant de la foi que du cléricalisme, de la bigoterie, de la superstition, de la bêtise ».

Même les tribus du fin fond de l’Amazonie ne peuvent plus ignorer le monde qui s’agite à la lisière de la forêt. Pourquoi en serait-il autrement des jeunes musulmans ?