Suivez nous sur nos autres médias :
SNPM Syndicat National des policiers Municipaux

Le tribunal de Tours teste la médiation familiale : de quoi s’agit-il

Posted On 16 Sep 2017
By :
Comment: Off

L’objectif est d’alléger le travail des juges mais les avocats sont sceptiques.

Depuis le 1er septembre, il y a du changement au parquet de Tours. Comme les tribunaux de Bordeaux, Évry ou St-Denis-de-La-Réunion, le tribunal a débuté l’expérimentation de la médiation familiale obligatoire, et cela va durer 3 ans, en attendant une éventuelle généralisation.

Avec ce nouveau dispositif, le gouvernement espère réduire le nombre de dossiers à la charge des juges aux affaires familiales. A Tours, selon de premières estimations, 600 à 700 affaires pourraient ne plus passer par leur bureau. Quels cas sont concernés ? Quelles sont les conséquences pour les justiciables ?On fait le point avec Maître Catherine Gazzeri-Rivet, bâtonnier à l’Ordre des Avocats de Tours.

La médiation familiale obligatoire, ça signifie que dans certains cas, les personnes en conflit devront obligatoirement tenter de s’entendre en discutant avant d’avoir recours à un juge. Cette négociation sera animée par un médiateur, qui peut être un avocat ou le membre d’une association. Dans tous les cas, ce médiateur devra avoir été formé auparavant (via un cursus de 200h). Et s’il s’agit d’un avocat, ce dernier ne pourra pas être le représentant d’une des deux parties ni son associé ou son collaborateur pour des raisons évidentes de neutralité.

Des exceptions en cas d’urgence

La médiation en elle-même n’a pas de durée fixe : cela peut être un rendez-vous, ou plusieurs. Si tout le monde arrive à s’entendre, il n’y a pas besoin d’aller voir un juge. Mais si le désaccord persiste, il est tout à fait possible de le saisir et ce même après un seul rendez-vous. Il faut juste prouver que la médiation a été tentée. Cependant, dans certains cas, le juge pourra s’emparer du dossier directement (en cas d’urgence, par exemple). Mais c’est lui qui a le pouvoir de décider.

« Avec cette méthode, le gouvernement espère que la rencontre d’un médiateur permettra d’instaurer un dialogue qui aboutira à une solution » résume Catherine Gazzeri-Rivet qui met tout de même en garde : « la médiation, il faut y aller en ayant connaissance de ses droits et en sachant comment cela se passe afin de prendre une décision en connaissance de cause. » Ainsi, vous pouvez vous faire assister d’un avocat avec le médiateur mais aussi le consulter en amont pour préparer le rendez-vous.

Pas de médiation en cas de violences

Ce qu’il faut savoir également, c’est que cette médiation ne concerne que quelques cas bien particuliers. Déjà, il n’est pas question de divorcer via un médiateur. En fait, il faut impérativement qu’une décision de justice ait déjà été prononcée. La médiation intervient donc en cas d’apparition d’un nouveau litige comme une demande de modification des modalités de la garde d’un enfant, par exemple. La mesure peut aussi s’appliquer pour des problèmes liés à la pension alimentaire ou des problèmes d’autorité parentale. En revanche, en cas de violences, on repasse directement devant un juge.

Par ailleurs, « ce qui se dit en médiation reste confidentiel » insiste le bâtonnier. Donc des propos prononcés lors de ces rendez-vous ne peuvent pas être utilisés devant un juge plus tard : « l’idée est vraiment de tout se dire pour arriver à un terrain d’entente. » Les prises de notes ou enregistrements sont naturellement interdits.

Cette médiation a un coût. En général, ce dernier est déterminé en fonction des revenus des justiciables. Au maximum, il peut atteindre 130€ la séance (une somme versée à l’association qui assure la médiation) et peut être en partie financé par l’aide juridictionnelle.

Plus long et plus cher ?

Pour accompagner ce nouveau dispositif, l’Ordre des Avocats de Tours va réactiver son association de médiation créée en 1999 et mise en sommeil car « la médiation ça ne marche pas trop ici » pointe Catherine Gazzeri-Rivet. L’avocate va naturellement accompagner la mise en place de la mesure mais reste sceptique sur son intérêt et son efficacité : « ne pas avoir accès au juge ou que cet accès soit limité est préoccupant. Cela peut aussi être un prétexte pour réduire les moyens. Dans mon esprit, à un moment donné en cas de crise, on a besoin d’une décision de justice pour cadrer les choses. »

Le bâtonnier craint enfin un allongement du traitement des dossiers s’il y a médiation + passage chez le juge. Allongement synonyme de coûts supplémentaires si les justiciables doivent consulter régulièrement leurs avocats…

Olivier Collet

A propos de l'Auteur