Les agents de l’État peuvent déjà démissionner, à la suite d’une restructuration de leur service ou pour créer une entreprise, en bénéficiant, sous certaines conditions, d’une indemnité volontaire de départ (IVD). Rien de nouveau, donc, sinon que la mesure envisagée, dans le cadre de la suppression de 120.000 fonctionnaires, s’appliquerait à grande échelle. Un moyen efficace de diminuer la dépense publique ? Rien de moins sûr.

Le trio infernal (Gérald Darmanin, Édouard Philippe et notre Président) – depuis la Tunisie ! C’est fou, comme il aime parler de la situation de la France dans un pays étranger – l’a annoncé, le jeudi 1er février. Une longue négociation devrait maintenant s’engager pour déterminer les modalités précises de ce plan.

Mais il ne s’agit pas seulement de diminuer les effectifs et la dépense publique : l’objectif final serait de remplacer une partie des fonctionnaires par des contractuels, dont l’emploi n’est pas garanti à vie. Bref, de porter atteinte au statut de la fonction publique. Si la plupart des syndicats y sont naturellement hostiles ou, du moins, méfiants, on ne s’étonne pas des premières réactions politiques. La France insoumise dénonce une « purge », tandis que la droite estime que le gouvernement ne va pas assez loin. Excès de pessimisme d’un côté, d’optimisme de l’autre.

À y regarder de près, on s’aperçoit que les intentions du pouvoir sont confuses. À dessein ? Souhaiterait-il que les Français s’habituassent à l’idée de diminuer les effectifs de la fonction publique avant d’en dévoiler les conséquences, à supposer qu’il les eût toutes appréhendées ?

Il faut savoir, comme on le lit sur le Portail de la fonction publique – site officiel du gouvernement -, que « le statut est d’abord une protection des citoyens. En protégeant les fonctionnaires de l’arbitraire, il évite l’instrumentalisation de l’administration à des fins partisanes par un pouvoir politique quelconque. Ces principes fondamentaux […] sont fondateurs de la confiance réciproque entre l’administration publique et les citoyens et constituent, à ce titre, l’un des piliers sur lesquels repose toute société démocratique. »

S’il exécute son projet, le gouvernement devrait se dédire et considérer que ces « principes fondamentaux » sont tout relatifs. Rien ne prouve, d’autre part, que le recours à davantage de contractuels conduirait à des économies budgétaires. Bien au contraire ! Les contractuels pourraient légitimement exiger un CDI et des salaires alignés sur ceux du privé, notamment dans les secteurs compétitifs.

Enfin, dans quelles catégories de fonctionnaires puiserait-on ? L’Éducation, les hôpitaux, la Justice, le pénitentiaire et, pour les personnels d’encadrement, l’armée ? Difficilement concevable. Sans compter que les volontaires seraient probablement les plus dynamiques, capables de se lancer dans un nouveau métier, les autres, en fin de carrière et désabusés, n’aspirant qu’à prendre leur retraite un peu plus tôt.

Certes, on peut envisager que des restructurations, des mutualisations, la numérisation, les nouvelles technologies permettent, dans certains secteurs administratifs, de réduire les effectifs. On peut aussi penser qu’une modernisation du statut des fonctionnaires pourrait améliorer leur gestion et leurs performances.

Mais considérer comme une panacée la réduction du nombre de fonctionnaires, privatiser une partie de leurs tâches, voire les confier à des entreprises lucratives, ne servirait pas nécessairement les intérêts de l’État ni celui des citoyens.

À moins d’estimer que la France n’est plus la France : ce qui n’est malheureusement pas impossible, venant d’un Président qui lui préfère l’Europe et pour qui l’argent est l’alpha et l’oméga de toute action politique.