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L'accumulation de déchets (ou "syndrome de Diogène") peut générer des risques pour la santé et la sécurité par la prolifération de nuisibles ou par le risque incendie
© Wikimedia Commons | L’accumulation de déchets (ou « syndrome de Diogène ») peut générer des risques pour la santé et la sécurité par la prolifération de nuisibles ou par le risque incendie

L’Association des maires de France (AMF) et la Dihal ont organisé, le 4 octobre, une table ronde sur le thème de la lutte contre l’habitat indigne, à l’occasion de la sortie d’un guide sur le sujet. Sensibilisation, repérage, moyens d’actions, compétences, gouvernance, partenariat… tous les thèmes ont été abordés. Un consensus s’est dégagé autour de la nécessité de renforcer la technicité des intercommunalités tout en laissant au maire le soin de gérer la proximité…

L’habitat indigne sévit partout et sous différentes formes. Pour sensibiliser les élus locaux à ce phénomène et les informer sur les outils pour y faire face, l’Association des maires de France sortira dans quelques jours un guide d’une soixantaine de pages réalisé avec la Dihal (Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement) et l’Anil (Agence nationale pour l’information sur le logement). Les contributeurs de l’ouvrage ont organisé une table ronde, mercredi 4 octobre, au siège de l’AMF, sur le thème « Lutte contre l’habitat indigne : quels enjeux pour le maire et le président d’intercommunalité ? », avec des témoignages d’élus.

Les logements indignes sont ceux qui présentent un risque pour la santé ou la sécurité

Tous ont témoigné de la nécessité de sensibiliser les maires pour leur apprendre à repérer l’habitat insalubre dans leur commune. La notion recouvre « l’ensemble des situations de logements présentant un risque pour la santé et la sécurité des occupants ou des tiers ». A noter qu’ « il n’est pas besoin que soit advenu un accident pour qu’un logement soit ‘à risque’ et donc ‘indigne’, note la Dihal, le risque en soit suffit pour parler d’habitat indigne ».
Son délégué Sylvain Mathieu a listé, photos à l’appui, une série de « désordres » générateurs de « risques ». Ils sont nombreux et à multiples facettes, et pourtant le Dihal ne prétend pas à l’exhaustivité.
On pense immédiatement aux phénomènes d’humidité avec les moisissures qu’ils génèrent du sol au plafond, à l’origine de maladies respiratoires. Il faut y ajouter le risque de saturnisme, cette maladie induite par la présence de plomb dans des peintures anciennes, avec des conséquences cognitives notamment sur les jeunes enfants.

Installations électriques en mauvais état, syndrome de Diogène, syndrome de Noé, division pavillonnaire…

Les photos illustrant les dangers d’installations en mauvais état n’ont pas non plus étonné grand monde dans la salle : installations électriques (faisant courir le risque d’une électrocution ou d’incendie), appareils à combustion comme des chauffe-eau ou des cheminées (risque d’intoxication au monoxyde de carbone), dispositifs de retenue de type garde-corps ou rampe (risque de chute). Celles illustrant les maladies mentales telles que le syndrome de Diogène (accumulation de déchets, notre illustration) ou de celui de Noé (accumulation d’animaux) sont toujours impressionnantes.
Les « produits » proposés par les marchands de sommeil se modernisent : après avoir investi dans les copropriétés, les voici prédateurs de « pavillons » qu’ils divisent en studio et T2. Le maire de Salbris Olivier Pavy, membre du groupe de travail de l’AMF sur la « Lutte contre l’habitat indigne », rapporte également le cas de plus en plus fréquent de « grosses maisons bourgeoises » qui passent sous leur coupe, par exemple dans la ville du Raincy (commune surnommée « Le Petit Neuilly du 93 ») ou encore à Aix-en-Provence.

« Les marchands de sommeil répondent à une vraie demande pour de petits appartements »

« Les marchands de sommeil achètent plus cher les grosses maisons parce qu’ils sont sûrs de rentabiliser très vite, ils répondent à une vraie demande pour de petits appartements », témoigne également Frédéric Chéreau, maire de Douai. « On les repère trop tard, au moment de la demande de compteurs séparés », ajoute-t-il pour illustrer le fait que « les outils de lutte contre l’indécence ne sont pas adaptés ».
Et puis, il y a aussi les marchands de sommeil involontaires : des propriétaires « qui pèchent par méconnaissance », indique Sophie Elizeon, préfète déléguée sur le pôle départemental de lutte contre l’habitat indigne (PDLHI, voir notre encadré ci-dessous) du Nord. Un phénomène également repéré par le maire du Blanc-Mesnil (voir notre article du 25 septembre 2017).
Selon Olivier Pavy, la lutte contre l’habitat insalubre doit également s’inviter dans les politiques en faveur du maintien à domicile des personnes âgées. Car nombre d’entre elles vivent dans des logements dangereux alors qu’elles n’en ont pas conscience, ne sont pas en mesure de faire des travaux et souvent ne le souhaitent pas.

Le PPPI, les parents d’élèves, les infirmières à domicile…

Le PPPI (parc privé potentiellement indigne), par exemple, ne repère pas les marchands de sommeil. C’est un « outil de repérage des secteurs à risque », ainsi que le définit l’Anah (qui fournit les données) et qui a ses vertus. C’est un outil « national, facile et gratuit » dont on aurait tort de se passer, conseille Sophie Mestelan-Pinon, chef de bureau de la DDT (direction départementale des territoires) des Yvelines sur le repérage de l’habitat indigne. Elle l’utilise pour sensibiliser les élus. « Il repère les logements anciens, les copropriétés potentiellement fragiles… mais on ne voit pas les locations de caves pour l’habitation dans les immeubles de standing, ni les ‘Diogènes’ propriétaires occupants », tempère-t-elle.
Sophie Mestelan-Pinon croit beaucoup en l’Orthi (outil de repérage et de traitement de l’habitat indigne). Cet outil est en fait une base de données recueillies à la suite des contrôles des organismes payeurs des aides personnelles au logement (CAF et MSA) ou de l’agence régionale de santé, et qui permet de mettre en place des « observatoires nominatifs ».
En milieu rural, Olivier Pavy, également président de la communauté de communes de la Sologne des Rivières, mise sur le partenariat local. Et il est bien large : le CCAS (intégré récemment dans la Maison de services au public) ; les écoles et le réseau des parents d’élèves ; les agents immobiliers, notaires et huissiers ; les magistrats (une permanence d’accès au droit est installé dans la MSAP) ; la gendarmerie et la police municipale ; les pompiers ; tous les professionnels de santé « et notamment les infirmières qui sont les seules maintenant à se déplacer à domicile ». En revanche, « quand on appelle l’ARS, il peut se passer un an avant d’avoir son expertise », témoigne le maire.

Le maire ne peut pas transférer ses pouvoirs de police générale au président d’intercommunalité

Quand il s’agit d’agir, la boîte à outils comporte des outils incitatifs et d’autres coercitifs. Les premiers sont liés aux programmes opérationnels tels qu’OPHA (opérations programmées d’amélioration de l’habitat), PIG (programmes d’intérêt général) ou encore Mous (maîtrise d’œuvre urbaine et sociale).
Les actions coercitives sont quant à elles rendues possibles à travers les « polices » de l’habitat indigne : police générale et polices spéciales. Le maire détient simultanément des pouvoirs de police générale et des pouvoirs de polices spéciales. Seuls les seconds peuvent être transférés à un EPCI.
Le pouvoir de police générale est très large. Il part du principe que « la salubrité et la sécurité publique font partie de l’ordre public qu’il appartient au maire de faire respecter sur le fondement de son pouvoir de police générale », explique le guide. Concrètement, le maire est chargé, d’une part, de faire respecter le RDS (règlement sanitaire départemental), c’est-à-dire tout ce qui relève des infiltrations (toitures, gouttières), mauvais raccordement du réseau d’évacuation des eaux usées, mauvais entretien des parties communes, présence de nuisibles (rats, cafards…), syndrome de Noé, défaut de ventilation, humidité…
Il est aussi tenu, d’autre part, d’agir en urgence en cas de menaces immédiates : écroulement d’une maison, incendie, glissement de terrain… Pour écarter un risque, le maire peut ainsi – et sans délai – faire évacuer un bien, en interdire l’usage, établir un périmètre de sécurité…

Les nouvelles fusions d’EPCI relancent les transferts des pouvoirs de polices spéciales

Depuis la loi Alur et son article 75, un certain nombre de compétences des polices spéciales peuvent être transférées du maire vers le président d’EPCI (et du préfet vers le président d’EPCI). C’est même souhaitable, estiment les représentants de l’Etat et ceux de l’AMF… dès lors que le transfert a été choisi et non subi. Car le transfert est automatique si le maire ne s’y est pas opposé dans les six mois… ce qui a provoqué des transferts involontaires : des communes ont perdu la compétence sans y avoir réfléchi, des EPCI l’ont récupérée sans y être préparés. Et ce n’est pas fini puisque le mécanisme est en train de se réenclencher avec les nouvelles fusions d’EPCI.
Les polices spéciales sont celles qui permettent de prescrire, par arrêtés, des obligations de travaux et/ou d’hébergement ou de relogement aux propriétaires ou aux responsables de situations d’habitat indigne. Les plus connus sont les arrêtés d’insalubrité et les arrêtés de péril. Ils prévoient les délais d’exécution et, s’ils ne sont pas faits, la possibilité de réaliser des travaux d’office (aux frais – normalement avancés – des responsables).

L’intercommunalité encouragée à devenir « l’acteur unique » en matière de lutte contre l’habitat indigne

« C’est la technicité du sujet qui a justifié le transfert de compétence », a rappelé Arnaud Longé, adjoint au sous-directeur des politiques de l’habitat (DHUP, ministère de la Cohésion des territoires, ministère de la Transition écologique et solidaire). Il ne s’agissait en aucun cas de « retirer une compétence aux maires mais de dire que, sur ces sujets complexes, qui nécessitent d’être pris en main techniquement, il fallait un acteur le plus musclé possible, un échelon sur lequel les communes pourraient s’appuyer ». L’intercommunalité fut ainsi « encouragée » à devenir « l’acteur unique » en matière de lutte contre l’habitat indigne, puisque les EPCI compétents en matière d’habitat peuvent disposer d’une belle palette : PLUI et PLH (voire PLUIH), délégation des aides à la pierre s’ils le souhaitent, pilotage des contrats de ville, pilotage de l’attribution de logements sociaux… Mais prise de compétences ne veut pas dire compétence technique. Et les EPCI auraient besoin de « mesures d’encouragement à la création de services intercommunaux spécialisés », estime Arnaud Longé.

Un volet lutte contre l’habitat indigne dans le futur projet de loi Logement ?

« On rêvait d’une loi globale sur la lutte contre l’habitat indigne », a renchéri Sylvain Mathieu. Comme il n’en est pas question, ils seraient plusieurs, dans les services des ministères (à la Cohésion des territoires mais aussi à la Santé), à préparer des notes pour introduire ce volet dans le futur projet de loi « Habitat, mobilité, logement », ou au moins dans la stratégie nationale Santé toujours en phase de concertation (voir notre article ci-dessous du 18 septembre 2017).
L’idée serait, selon le Dihal, de renforcer la fonction d’ « acteur unique » de l’intercommunalité tout en renforçant les pouvoirs de police générale du maire pour lui permettre d’agir efficacement sur les situations d’urgence immédiate. Par exemple, le maire pourrait « procéder à toutes les visites utiles, y compris pour l’insalubrité. Ensuite, « le président d’intercommunalité doit pouvoir agir sur l’insalubrité », est convaincu Pierre Jarlier, vice-président de l’AMF, président du groupe de travail « Lutte contre l’habitat indigne ». Selon le maire de Saint-Flour, également président de Saint-Flour communauté, la distinction entre « indécence » (qui relève du bloc local) et « insalubrité » (qui relève de l’ARS) « ne tient plus » !

Donner les moyens aux intercommunalités d’assurer l’expertise territoriale

Mais pour cela, il faut « sécuriser l’intervention du maire en amont » et « nous donner les moyens d’intervenir, sinon il ne se passera rien », prévient-il. En clair : il faut pouvoir embaucher des agents qualifiés pour réaliser les visites et le suivi. Au passage, une simplification de l’organisation institutionnelle, administrative et juridique est vivement souhaitée par tous.
Sylvain Mathieu ajoute que, selon lui, « une décentralisation mature implique que l’Etat donne le cadrage et les moyens » à une intercommunalité assumant « l’expertise territoriale ». Dans l’esprit du Dihal, l’Etat doit continuer à fournir statistiques et soutien juridique aux collectivités, être en alerte pour modifier la législation quand des sujets nouveaux émergent (les marchands de sommeil aujourd’hui), mais aussi conserver sa capacité d’expertise notamment pour jouer le rôle de « filet de sécurité » si les collectivités font défaut et garantir ainsi « l’égalité d’action sur le territoire national ».

Les pôles départementaux de lutte contre l’habitat indigne (PDLHI)

Les collectivités locales peuvent s’appuyer sur les pôles départementaux de lutte contre l’habitat indigne (PDLHI) qui regroupent aussi les services de l’Etat (DDT/ direction départementale des territoires, DDCS/direction départementale de la cohésion sociale), l’ARS (agence régionale de santé), Adil (agence départementale pour l’information sur le logement), Caf et MSA, Parquet… En plus de l’accompagnement aux collectivités, les actions des PDLHI portent sur le traitement commun des plaintes et signalements, le suivi et la mise en œuvre des arrêtés (arrêtés d’insalubrité, arrêtés de péril). La quasi-totalité des départements dispose d’un PDLHI.
Au niveau national, la Dihal (Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement) abrite un Pôle national de lutte contre l’habitat indigne. Le PNLHI associe des représentants des ministères et organismes publics concernés et des services déconcentrés de l’Etat. Il coordonne les actions de lutte contre l’habitat indigne et jour un rôle ministériel et d’expertise au service des acteurs de terrains.

Source:: En ville et à la campagne, chez les locataires et les propriétaires, dans les maisons bourgeoises et …

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