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Brésil : l’émotion toujours vive, un mois après l’assassinat d’une femme politique noire

RAITS – Après l’assassinat de la conseillère municipale de gauche, Marielle Franco, militante noire de 38 ans, des femmes brésiliennes ont décidé de continuer son combat contre les inégalités.

Des manifestations ont eu lieu partout dans le monde après l'assassinat de Marielle Franco.
Des manifestations ont eu lieu partout dans le monde après l’assassinat de Marielle Franco.Crédit : Mauro Pimentel / AFP
 
Emeline Ferry et AFP

Elles sont le nouveau visage de l’afro-féminisme au Brésil. Elles veulent continuer le combat de Marielle Franco, assassinée le 14 mars 2018, à Rio. À 38 ans, cette conseillère municipale de gauche de la ville a été tuée de quatre balles dans la tête.

Sa mort a suscité une vive émotion au Brésil. Née et élevée dans les favelas de Maré, parmi les plus dangereuses de la ville, Marielle Franco était devenue le symbole du renouveau politique du pays. Un modèle charismatique qui avait surmonté tous les obstacles pour lutter contre les inégalités et les violences policières.

Ce crime a ravivé la flamme d’autres femmes qui luttent pour dénoncer le racisme, l’homophobie, le sexisme et les inégalités. Après l’émotion, place au combat. Portraits de quatre femmes, rencontrées par l’AFP,  qui ont décidé de faire entendre leur voix.

Buba, activiste de la favela

Cette jeune femme de 25 ans est encore choquée par la mort de Marielle Franco. « C’est dur, on dirait que ma vie s’est arrêtée », raconte-t-elle, les larmes aux yeux en regardant un reportage .

Buba Aguiar est une militante de 25 ans. Elle est très active sur les réseaux sociaux.
Buba Aguiar est une militante de 25 ans. Elle est très active sur les réseaux sociaux.Crédit : Mauro Pimentel / AFP

Buba Aguiar est étudiante en sciences sociales. Elle est très active sur les réseaux sociaux. Mais depuis l’assassinat de la conseillère municipale, la jeune femme reçoit des menaces fréquentes. « Pour des raisons de sécurité », elle a dû quitter la favela d’Acari, où elle vivait.

Mais l’étudiante ne se laisse pas intimider. Combattante, elle continue de dénoncer les violences policières. « Je ne trouve pas que les policiers manquent de formation, bien au contraire », explique-t-elle. « Ils sont formés pour poursuivre une politique d’assassinat des Noirs, des pauvres et de toutes les populations marginalisées ».

Buba Aguiar espère que sa lutte finira par payer. « La situation va empirer, mais nous allons continuer notre combat pour honorer le sang versé », lance-t-elle.

Marina, chanteuse de samba

Ses opinions sur les questions de genre, de race ou de classes sociales, c’est grâce à ses chansons que Marina Iris les fait passer« La musique a le pouvoir de parler à beaucoup de gens, c’est un instrument pour changer la société », déclare cette artiste. « En tant que militante, je ne me sens pas obligée de chanter uniquement des chansons engagées, mais je me sens utile quand j’arrive à toucher des gens ».

Marina Iris est une chanteuse brésilienne. Dans ses chansons, elle dénonce le sexisme et le racisme.
Marina Iris est une chanteuse brésilienne. Dans ses chansons, elle dénonce le sexisme et le racisme.Crédit : Mauro Pimentel / AFP

Les paroles de sa chanson « Rueira » (de la rue) affichent sa liberté : « Je dis ce que je pense, je brandis des étendards ».

Très active pendant la campagne qui a permis l’élection de Marielle France en 2016, la jeune femme raconte avoir été très touchée par sa mort. « L’exécution de Marielle représente une tentative pour faire imploser un mouvement qui tend vers la diversité, vers une société plus égalitaire. Mais le symbole que Marielle est devenu nous donne de la force« .

Thula, professeure d’université

Dans la PUC-Rio, prestigieuse université privée et catholique où Marielle France avait étudié la sociologie, Thula Pires est la seule professeure de droit noire. À 38, elle ne se sent pas à l’aise dans le milieu universitaire, qu’elle fréquente pourtant depuis 15 ans.

Thula Pires est professeure de droit dans une université de Rio.
Thula Pires est professeure de droit dans une université de Rio.Crédit : Mauro Pimentel / AFP

« Pourquoi les gens nous regardent de travers ? Je vis dans un pays où plus de la moitié de la population est comme moi », s’insurge-t-elle. Difficile de trouver sa place entre ses origines et son milieu professionnel. Elle se sent « en transit » entre la dure réalité de Sao Gonçalo, banlieue pauvre de Rio, où elle a grandi et où elle vit encore, et sa faculté majoritairement fréquentée par de jeunes Blancs des quartiers chics.

Après l’assassinat de son amie, cette enseignante était « effondrée ». Thula Pires dit avoir « perdu beaucoup de choses, y compris la peur ». Et elle avoue avoir été déconcertée quand sa fille de cinq ans lui a demandé : « Maman, ils vont te tuer toi aussi ? ».

J.Lo, artiste et tatoueuse

Pour cette plasticienne et militante LGBTQ+, née dans le quartier d’Iraja, au nord de Rio, Marielle Franco était un modèle. Depuis sa mort, elle se sent plus vulnérable que jamais. « Depuis que j’ai 15 ans, les gens changent de trottoir en pensant que je vais les voler ».

J.Lo Borges est une artiste engagée. Ses œuvres expriment ses opinions politiques.
J.Lo Borges est une artiste engagée. Ses œuvres expriment ses opinions politiques.Crédit : Mauro Pimentel / AFP

Pour faire avancer les choses et réduire les inégalités, J.Lo Borges utilise ses talents d’artiste. « Aujourd’hui, je n’arrive pas à faire de l’art dans connotation politique. Je tente toujours de donner plus de visibilité à la cause lesbienne », explique cette grapheuse et tatoueuse. Elle offre toujours des prix réduits à ses clientes noires.

Ses idéaux, elle veut « les faire vivre » grâce à des ateliers d’art et des événements culturels qu’elle organise, mais avoue ne pas savoir « comment gagner la sphère politique ».

Source:: Brésil : l’émotion toujours vive, un mois après l’assassinat d’une femme politique noire

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