Ancien chef d’entreprise

On ne regrette pas Christiane Taubira ; on ne regrettera pas Nicole Belloubet. Interrogée dans « Complément d’enquête », le 8 février, sur le sort réservé aux « 57 détenus pour faits de terrorisme islamiste qui seront libérables d’ici deux ans », le ministre de la Justice a fait une annonce fracassante.

Est-elle « inquiète de voir potentiellement ces 57 djihadistes et d’autres, sans doute après, sortir de prison » ? Est-ce qu’elle sait « comment gérer ça » ? la questionne le journaliste.

« Absolument ! », affirme le garde des Sceaux, que sa carrière de professeur des universités, de rectrice d’académie, de vice-présidente de région, de membre du Conseil constitutionnel a rompu aux questions de terrorisme avec leur corollaire, ses solutions sécuritaires.

Alors, face à l’extrême dangerosité de tous ces fous d’Allah, elle en envoie, de l’artillerie !

« Nous savons gérer cela, ces personnes-là ne vont pas seulement sortir et être dans la nature, elles vont faire l’objet d’un suivi, »

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annonce-t-elle le plus sérieusement du monde. 57 potentielles bombes humaines décrétées libérables, l’objet d’un suivi, voilà tout ce que le ministre a trouvé pour lutter contre le terrorisme !

Un suivi ! Mais la plupart des assassins des attentats du 13 novembre 2015 et ceux du père Hamel, en 2016, faisaient l’objet d’un suivi ! Et même d’un mandat d’arrêt international. Le résultat, tout le monde le connaît, y compris madame le ministre.

Un suivi, donc, à partir de « fiches ». Ah bon ? Parce que cela n’existait pas avant ? On imagine les différents acteurs en suivi nouveau du djihadiste, bien consciencieux, penchés sur leurs fameuses fiches, se gratter le menton, tirer la langue et mordiller leur crayon, remplir leurs petites cases, annoter leurs impressions, mettre des petites croix, des plus par ci, des moins par là et confronter leurs résultats. Ah, tu crois qu’il va recommencer, toi ? Pas moi !

Et après, une fois qu’on aura tout bien noté « de manière très précise » les caractéristiques de ces charmants taulards (« excellent camarade de chambrée, ne pose plus aucun souci, a juré d’être gentil »), pas de panique, donc : « Ce ne sont pas des gens qui seront laissés libres totalement », annonce madame Belloubet. Mais un peu, quand même…

Nous voilà prévenus. En plus de tous les fous d’Allah non fichés mais déjà auteurs d’attentats, ceux non encore fichés S mais brûlant de passer à l’acte, les fichés S libérables demain que leur suivi n’a pas empêché d’assassiner, les Français sont ainsi livrés en pâture au terrorisme islamiste. Qu’entendront-ils, à l’issue du prochain attentat, de la part du garde des Sceaux ? Que les terroristes ont déjoué leur suivi ? Qu’elle condamne fermement ? Que tout sera fait pour déterminer les responsabilités ?

Soit Mme Belloubet souffre de complète inconscience des mortels dangers qu’elle fait courir. Soit elle connaît parfaitement les tenants et les aboutissants des conséquences potentiellement effroyables d’aussi ridicules, absurdes mesurettes qui ont plus que largement prouvé leur totale inefficacité, mesurettes de pacotille indignes d’un État de droit. Dans les deux cas, Mme Belloubet n’a rien à envier à Mme Taubira.