Après une fusillade, cette commune veut armer ses policiers municipaux : « J’avais des agents équipés de tasers face à des narcotrafiquants »

Le 29 septembre, une fusillade impressionnante avait marqué Autun en Saône-et-Loire. À la suite de cet évènement, Vincent Chauvet, le maire de la commune, a demandé à la préfecture d’armer ses policiers municipaux. Une demande dictée par une montée de la violence au niveau national.
29 septembre, des coups de feu font un blessé sur le parking du Lidl d’Autun, en Saône-et-Loire. Des faits d’une violence rare, dans cette commune de près de 13 000 habitants. De quoi inquiéter, les habitants et les élus bien sûr, mais aussi les forces de l’ordre qui, plus que jamais, incarnaient la première ligne de défense.
Ce jour-là, les policiers municipaux sont les premiers à intervenir sur les lieux. « Ils ont été engagés tout de suite, en même temps que la gendarmerie », se remémore Vincent Chauvet, le maire autunois (MoDem). Mais là où les gendarmes étaient équipés d’une puissance de feu similaire aux auteurs de la fusillade, les policiers municipaux, eux, ne possédaient pas le même matériel.
« Dans cette situation, j’avais des agents équipés de tasers (d’une portée de 10 mètres. NDLR) face à des délinquants, des narcotrafiquants même, potentiellement armés. Donc là, il y a eu un sang-froid de leur part« , lance Vincent Chauvet.
Une prise de conscience et une tendance nationale
Cet évènement a été le point de départ pour Vincent Chauvet. Le maire confie avoir « pris conscience » de l’importance d’équiper les forces de l’ordre municipales. Il confie s’être depuis entretenu avec les policiers et avoir conclu avec eux de la nécessité de troquer les pistolets électriques pour des calibres 9 mm. « J’en ai discuté avec d’autres maires aussi« , complète-t-il.
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« En termes de sécurité, il ne faut pas nécessairement être le premier, mais il ne faut pas être le dernier non plus. Depuis le début du mandat en 2020, la situation a beaucoup évolué et les communes qui avaient confié des armes aux policiers municipaux se sont multipliées. » L’édile a décidé de formuler une demande à la préfecture de Saône-et-Loire, qui devra décider d’accorder ou non le port d’une arme à feu pour chacun des six policiers autunois.
« On n’avait pas vu de tels faits de violence depuis au moins une dizaine d’années ici« , argumente Vincent Chauvet. « Alors que ces dernières années, la délinquance, comme les cambriolages par exemple, est en baisse chez nous, aujourd’hui, on a des individus qui viennent de l’autre bout de la France pour répondre à des annonces de la pègre dijonnaise. »
En 2021, le ministère de l’Intérieur annonçait que plus de 79 % des 24 221 agents municipaux étaient armés en France. Depuis, cette majorité s’est renforcée selon le maire d’Autun.
Soutenu par l’opposition et par « une majorité des habitants », pour Vincent Chauvet, il reste désormais à chiffrer les dépenses que vont représenter l’achat des armes et la formation des agents notamment. « On n’a pas encore le coût et cela dépendra des habilitations que nous donnera le préfet et à quel rythme« , répond-il. « Une arme à feu, c’est moins cher qu’un taser, cela représente une centaine d’euros. On a la chance d’avoir l’armurerie James ici, donc on va se fournir localement sur le matériel. Ensuite il y a les coûts engendrés par les logiciels de suivi, de traçage de l’arme… Mais on est déjà assez bien équipé. »
À cela s’ajoutera une formation de 35 heures, dans un centre de tir. Trois fois par an, les policiers formés, qu’ils soient municipaux ou nationaux, doivent réaliser un certain nombre de tirs dans des mises en situation complexes pour être autorisés à porter un pistolet létal.
« Quand on a marqué police dans le dos, on est une cible »
« Aujourd’hui, je dirais qu’environ 90 % des communes ont des policiers municipaux armés« , dépeint Frédéric Biedak, président du syndicat national des policiers municipaux. « Pour moi et pour les autres policiers municipaux aussi c’est une nécessité d’être armé. On ne sait jamais sur quoi on va tomber dans la rue ou pendant un contrôle routier. Tout peut aller très vite et il faut pouvoir se protéger. »
Si on ne nous protège pas nous, qui va protéger les citoyens ?
Frédéric Biedakprésident du syndicat national des policiers municipaux (SNPM)
Stéphane Oria lui, est policier national à Mâcon et représentant syndical d’Unité police-FO. Et de son côté aussi, le port d’armes pour les agents municipaux est essentiel : « On est pour l’armement des polices municipales. Parce qu’un délinquant ne fait pas la différence entre police municipale et police nationale. Il faut que toutes les polices municipales de France, du moins dans les grandes villes ou dans les petites et moyennes villes, soient armées. »
« Quand on a marqué police dans le dos on est une cible« , abonde le président du SNPM. Le représentant de la loi mâconnais ajoute que « le policier municipal est, comme la police nationale, de plus en plus confronté à la délinquance« .
Les actes de violence en hausse
En effet, que la mission soit dans la rue, sur la route ou ailleurs, l’État considère que l’agent de proximité endosse souvent ce rôle de « primo-intervenant » sur le terrain. Le Sénat a d’ailleurs publié un rapport en mai 2025 sur le sujet. On y apprend notamment que l’usage des armes par des policiers municipaux a grimpé en flèche depuis 2021 (1 528 cas) jusqu’à atteindre un pic en 2023 (3 228 cas). Mais parallèlement, le nombre d’agents blessés a diminué, passant de 1 363 à 1 208 sur la même période.
Pour Stéphane Oria, « selon les statistiques, l’usage de l’arme létale demeure rare » chez les policiers, « malgré une montée de la violence au niveau national« . Selon les chiffres du service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), les victimes de coups et blessures volontaires n’ont jamais été aussi nombreuses ces dernières années. De 214 700 cas en 2016, la France a vu ce nombre bondir jusqu’à 336 800 évènements recensés.
Quelles conditions pour qu’un policier municipal porte une arme à feu ?
Pour rappel, le port d’une arme est strictement régulé pour les policiers municipaux. Voici les conditions imposées par l’État :
- il doit être formé à cet effet ;
- il doit y être nominativement autorisé par le représentant de l’État dans le département sur demande motivée du maire ;
- une convention de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l’État doit être établie ;
- le préfet délivre à la commune un arrêté d’autorisation d’acquisition et de détention pour les armes correspondant aux autorisations individuelles de port d’arme pour une durée maximale de cinq ans.
Enfin, l’emploi d’une arme reste uniquement autorisé dans les cas de légitime défense, de manière proportionnée à la gravité de l’atteinte aux personnes et aux biens.



